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9 août 2009

Frankenstein: The True Story

Réalisé par Jack Smight en 1972
Avec : Leonard Whiting, James Mason, Jane Seymour, David McCallum, Michael Sarrazin, Nicola Pagett, Ralph Richardson...
D'après le roman de Mary Shelley.

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Victor Frankenstein est un jeune et brillant médecin, fiancée à la belle Elizabeth, fille du très influant lord Fanshawe. Ayant perdu la foi en Dieu après la mort de son jeune frère, Victor se lance, sous l'influence de Clerval dans des expériences dangereuses ayant pour but de rendre la vie à des tissus mort, sans se douter que le tout est orchestré par l'odieux Docteur Polidori. De ces experiences naitront deux créatures Beau et Prima...et les terribles conséquences s'accumulent.
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Diffusée en Novembre 1973 sur le petit écran américain, cette adaptation très libre et très étonnante du roman de Mary Shelley bénéficie d'un casting assez extraordinaire et très intéressant ainsi que du maquillage d'un vétéran hammerien : Roy Ashton. D'une durée totale de trois heures (et 3 ou 4 minutes) cette "True story" n'a finalement plus grand chose à voir avec le roman original tant elle en modifie les évènements, personnages etc. En effet ici, c'est Clerval qui entraine Victor dans ses expériences, le film introduit aussi le personnage de Polidori (qui a réellement existé et à qui l'on doit Le Vampire, texte fondateur de la littérature fantastique) qui est une sorte de maître à penser d'une vilainie qui n'est pas sans évoquer le Dr Pretorius de Bride of Frankenstein (1935).
Ce téléfilm d'une grande qualité esthétique n'a rien à envier aux productions Hammer auxquelles il succède directement et préfigure dans un sens le Flesh for Frankenstein de Paul Morrissey (le leger aspect "homo-erotique" se pressent...et Morrissey n'aurait pas renié le séduisant Dr Frankenstein que fait Leonard Whiting, encore auréolé de son image de Romeo Montaigu). On peut en effet y déceler un certain décalage, une légère ironie vis à vis du matériel original, introduite avec subtilité par des dialogues très bien écris. Si la force de cette adaptation farfelue réside dans son casting formidable (ébréché ça et là par une ou deux apparitions manquées ou par un James Mason fatigué) elle présente aussi des décors très intéressant, qui sentent certes le studio à plein nez, mais rendent très bien le contexte dans lequel est censé se dérouler l'histoire (début du XIXème semble-t-il).


Pour un téléfilm, Frankenstein: The True Story va assez loin dans l'horreur, psychologie la plupart du temps bien sûr, mais visuelle surtout, un peu à la manière du superbe Frankenstein Must Be Distroyed (pièce maitresse de la saga de Terrence Fisher), le film nous gratifie de toute opération, de toute effusion de sang, et surtout d'un maquillage plus vrai que nature, pour une créature dont le changement physique est terriblement réalliste. On peut repprocher au film d'aller parfois un peu trop loin, par exemple avec l'horrible fin du Dr Polidori qui plutôt qu'effrayante est tout à fait ridicule. Au niveau psychologique, Don Bachardy et Christopher Isherwood au scénario effetuent un travail remarquable, surtout sur le personnage de Prima, en laquelle réside presque tout l'intérêt du métrage, remarquablement interprétée par Jane Seymour.


Disponible dans sa version non censurée sur un très bon DVD universal, cette étrange version du Mythe de Frankenstein se doit d'être découverte, pour l'impacte qu'elle produit et pour son intérêt littéraire, ses acteurs et ses dialogues. Même s'il s'agit d'un téléfilm, c'est loin d'être la plus sage adaptation, au contraire et heureusement, elle est l'une de celles qui prennent le plus de risques et c'est en grande partie pour ça qu'elle figure parmi mes préférées.

14 sept. 2008

GOTHIC (1986)

Réalisé par Ken Russel.



Avec Gabriel Byrne, Julian Sands, Natasha Richardson, Timothy Spall...
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Le 16 Juin 1816, en Suisse, Percy et Mary Shelley accompagnés de Claire Clairmont s'apprêtent à passer la nuit à la somptueuse villa Deodati où vit Lord Byron, contraint à l'exile à cause de ses moeurs débridées. Ils feront la connaissance de son biographe et médecin, John William Polidori et vivront une nuit mémorable, au cour de laquelle les vapeurs d'opium donneront la vie à leurs peurs les plus intimes.



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Ken Russel est une figure atypique dans le paysage cinématographique de la fin du XXème siècle, réalisteur entre autre des films-biographies de grands compositeurs classiques comme Elgar, Debussy, Prokofiev, Mahler, ou de joyaux baroques comme Dante's inferno, Les Diables, Salome's last Dance ou encore ce Gothic qui nous intéresse ici, Russel est connu pour sa fascination de l'homosexualité, du sulfureux, du malsain, et pour sa mise en image très personnelle des figures de l'inconscient. Il n'est donc pas étonnant de le voir aux commandes de cette ambitieuse entreprise qu'était le récit des évenements qui ont conduit Polidori à écrire Le Vampyre (oeuvre fondatrice du genre ayant inspiré des chef-d'oeuvres comme Carmilla ou Dracula) et bien sûr Mary Shelley à créer son Prométhée moderne, FRANKENSTEIN.
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Le générique de Gothic annonce la couleur, le film est placé sous le signe de la mort et de la peur, les noms apparaissant et disparaissant devant un crane aux orbites vides sur fond noir. Puis vient l'introduction ; une foule de gens, fanatiques ou curieux se pressent sur les rives du lac Leman pour observer à la longue vue les hautes fenêtres de la villa Deodati ou vit le poête diabolique, tandis qu'un guide leur expose les "crimes infâmes" du personnage. Russel met clairement en avant le côté voyeur de l'entreprise, la place de ces curieux, c'est aussi la nôtre, le spectateur est un voyeur, et il sera le témoin privilégié des excès des protagonistes.



L'arrivée des Shelley et de Claire à Deodati donne lieu à une espèce de course-poursuite entre Percy et deux jeunes femmes qui selon Mary les suivaient depuis Genève. Le poête Percy est donc perçu comme une star, l'attitude des deux filles ressemble à celle de groupies lors d'un concert de rock. Suite à cette entrée en matière un peu déroutante, on découvre la villa Deodati dans toute sa splendeur, véritable manoir gothique entouré de saules démesurés au milieu d'un parc peuplé de paons et de fontaines représentant des figures fantasmagoriques. Le décor intérieur de la villa est aussi baroque que l'extérieur, immenses escaliers de marbre cottoyent draperies rouges et vanités sinistres, de hautes fenêtres à croisillons illuminent des salons pourvus de tapis persans et de chandeliers démesurés...bref un cadre idéal aux "ébats" de nos personnalités littéraires. Du côté justement des personnages, on pourra reprocher à Russel et à son équipe un rendu outrancier de personnages comme Shelley ou Polidori ; L'acteur Julian Sand (Shelley) caricature le personnage à l'excès (comme il le fera 12 ans plus avec le fantôme de l'opéra de Dario Argento), et on déplorera peut-être un jeu sans nuance, tout en mimique et en grimace de la part de Timothy Spall, qui en Polidori anxieux et coupable de ses désirs se tord les doigts à tout bout de champ en arborant un air constipé qui le rend difficilement sympathique. Il en va de même pour Claire Clairmont dont les yeux hallucinés finissent par lasser.




Mary Shelley est interprétée avec conviction par la très jolie Natasha Richardson ; Mary est finalement le personnage le plus affecté par le petit jeu de Lord Byron, au cour de cette nuit, elle fera à la fois face à ses peurs profondes mais aussi à celle de Claire, de Percy, et même de Byron. Cette avalanche de crainte et de haine fera naître en elle l'ébauche de son Frankenstein, né de sa volonté de réssuciter son enfant mort né, et de sa haine envers ce jeu maléfique qui a enjendré le délire de cette nuit. Byron quant à lui est bel et bien le personnage le plus convaincant du film, Gabriel Byrne campe un maître de cérémonie froid et manipulateur, son rôle est pour beaucoup dans le fait que GOTHIC est une expérience unique.


L'élément fantastique est aussi présent ; on ne saura jamais si la créature née cette nuit là est réelle ou si elle est le fruit d'une hallucination collective. Telle la créature de Frankenstein revient tourmenter son créateur, le fruit de leur délire revient les hanter sous une forme à chaque fois différente, une silhouette d'enfant mort pour Mary, ou un arbre enflamé par la foudre, un vampire pour Polidori, une tombe pour un Percy qui est bel et bien vivant, et un véritable filet de sangsues pour Byron.


Le film fourmille de figures fantasmagoriques et de symboles freudiens plus ou moins flagrants, on appréciera le clin d'oeil au tableau 'The Nightmare', ou la scène pathétique et dérangeante ou Byron fait l'amour à une servante portant un masque représentant le visage de sa soeur Augusta, ainsi que les seins affublés d'yeux de Clair dans un délire de Percy. Les effets sonores participent aussi à l'ambiance malsaine, comme cet entêtant battement d'aile d'un oiseau prisonnier dans le grenier, les cris de Clair ou le bruit du vent dans les couloirs aux fenêtres ouvertes. On ne peut que saluer l'esthétisme pointilleux de Russel, en particulier lors du bouquet final, la fuite de Mary à travers le labyrinthe qu'est devenu Deodati, au cour duquel elle est témoin de toutes les peurs profondes des autres protagonistes, Byron recouvert de sangsues, Percy enterré vivant, ainsi que de ses propres peurs, des visions de foetus décomposés, d'enfants l'appelant à l'aide. On peut déceler de la part du réalisteur un certain décalage, comme lorsque au cours de son délire Mary prend le temps de recouvrir Byron de sa cape sans se poser de question.

Le final surprenant voit tout ce petit monde reprendre au matin une attitude normale, personne ne semble vraiment s'inquiéter des évènements de la nuit, sauf Mary, qui devra les exorciser en couchant sur le papier son Frankenstein, l'histoire d'une création, d'une créature né de la folie d'un homme, qui faute d'inspirer l'amour inspirera la peur et viendra hanter son créateur jusqu'à sa mort...L'épiloque témoigne encore du décalage voulu par Russel : de nos jours, dans la cour de Deodati, une foule de touristes visite ce qui a été le lieu d'exil et de vie du poète Byron, et le théâtre de cette nuit délirante, tandis qu'une voix monocorde débite depuis un haut parleur un compte rendu probable des évènements de la nuit du 16 juin 1816.

Le plan final aurait pu nous être épargné, mais il clôt adroitement le film, en nous montrant dans une fontaine du parc le foetus déformé et effrayant de la créature née cette nuit là, qui est venu jusqu'à nous sous l'apparence du Prométhée moderne, la véritable créature de son auteur.