28 déc. 2008

Le Bon, La Brute et le Cinglé


Réalisé par Kim Jee-Woon en 2008.
Avec Woo-Sung Jun, Lee Byung-Hun, Kang-ho Song...

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Les années 30 en Mandchourie. Le Cinglé vole une carte aux trésors à un haut dignitaire japonais. La Brute, tueur à gages réputé, est payé pour récupérer cette carte. Le Bon veut retrouver le détenteur de la carte pour empocher la prime. Un seul parviendra à ses fins, s'il réussit à échapper à l'armée japonaise, à anéantir les voyous chinois, les gangsters coréens... et ses deux adversaires.

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Kim Jee-Woon n'en est pas à son coup d'essai et sa filmographie est parée d'oeuvres magistrales comme A Bittersweet life ou le boulerversant 2 Soeurs, chaque film du réalisateur coréen est un petit chef-d'oeuvre à découvrir d'urgence, mais de tous pour l'instant, Le Bon, La Brute et le Cinglé est le meilleur. Derrière un scénario un rien baré se cache un splendide hommage à Sergio Leone et consort qui ne manquera pas d'évoquer Kill Bill de Tarantino et qui constitue une flamboyante incursion dans l'univers de l'"oriental western".


Le film commence en nous immergeant de suite dans l'action avec l'attaque d'un train (référence au premier western The Great train robbery ? à Once upon a time in the West ? ou simplement le fait que les trains soient une constante dans les westerns...) menée sans temps morts et filmée avec virtuosité par un Kim Jee-Woon décidement touché par la grâce, et continue sur la même lancée dans une débauche d'action jamais excessive et sur un ton décalé, mais juste ce qu'il faut, car nous ne sommes pas là devant une parodie !
Le Bon, La Brute et Le Cinglé bénéficie aussi d'excellentes interprétations avec évidemment en têtes celle de Lee Byung-Hun dont le personnage à l'élégance surprenante et au visage délicieusement racé, j'ai nommé Park Chang-Yi dit La Brute n'a pas fini de fasciner.
Bande son explosive, décors extraordinares, scènes d'action bluffantes et scénario cruellement barge ; un Futur film culte ?

Petit article pour un grand coup de coeur, juste pour dire que Le Bon, La Brute et Le Cinglé est une petite perle à découvrir séance tenante.


Et moi de vous laisser sur cette affiche du film qui fait la part belle à l'acteur Lee Byung-Hun qui incarne à merveille Park Chang-Yi, le magnifique assassin de Mandchourie.

22 déc. 2008

Dark Shadows Revival


Série créée par Dan Curtis en 1990. Remake de la série Dark Shadows (1966-1971).
Avec Ben Cross, Joanna Going, Barbara Steele, Roy Thinnes...

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Victoria Winters, jeune gouvernante originaire de New York et qui n'a jamais connu ses parents se rend au manoir de Collinwood où elle doit prendre ses quartiers pour s'occuper du petit David Collins. Dans le même temps, un cousin éloigné du Nom de Barnabas Collins revient au manoir prétendant être le descendant du Barnabas qui partit pour l'angleterre en 1790. Très vite il semble qu'entre lui et Victoria une étrange passion naisse.

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"My name is Victoria Winters..." ainsi commençait chaque épisode de la série dark Shadows et ainsi commence chaque épisode de son trop court revival. le theme si reconnaissable de dark Shadows, qui a hanté toute une génération d'amateur de soap-opéra, de gothicophages et de vampirophiles nous reviens empli de nostalgie pour cet élégant remake qui restera malheureusement inachevé:
Si la série originale compte 1225 épisodes, Dark Shadows revival n'en compte malheureusement que 12 dont le dernier se termine sur un cliffhanger hasardeux. L'abandon de la série est due parait-il à des problèmes financiers de la production. Mais l'absence de final digne de ce nom n'altère en rien la qualité de l'ensemble.
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On se trouve là devant un sommet de la série télévisée comme seules NBC aux Etats Unis et la BBC en Grande Bretagne savent en faire. Dark Shadows Revival sent bon la production Dan Curtis et son savoir faire dans le domaine du gothique aux accents so british et aligne les références pour donner au final un spectacle magistrale comme on en verra plus de sitôt sur le petit écran. Le Manoir de Collinwood n'est pas sans rappeler l'imposante batisse de Manderley dans Rebecca de Daphné Du Maurier, Barnabas a bel et bien le profil Draculéen, et les doutes de Victoria finissent par évoquer l'état de la gouvernante dans The Turn of the screw d'Henry James (sans pour autant aller jusqu'à la folie). Les dialogues très bien écrits et l'importance de l'aspect pictural des descriptions renforcent la dimension littéraire de la série qu'on pourrait facilement croire adaptée d'un classique !



Il faut ajouter à cela la maestria avec laquelle les réalisateurs comme Armand Mastroiani et Paul Lynch dirrigent la caméra dans les couloirs lambrisés de Collinwood, les décrors somptueux du domaine, les superbes musiques et des interprètes parfaits.

Joanna Going campe une radieuse Victoria Winters, belle et attachante, Ben Cross fait un vampire mesmérique à l'allure noble et Barbara Steele, toujours aussi belle campe une Dr Hoffman froide dont chaque réplique cinglante est un pur délice. Mais les acteurs ne se contente pas d'interpréter un seul personnage, il campent aussi leur pendants de 1790 (la série se déroule parallèlement sur 2 époques), ainsi Joanna Going devient Josette Du Près, la promise de Barnabas, Barnabas reste barnabas, mais dans un temps où il n'est pas encore vampire et Dr Hoffman devient la Comtesse Nathalie Du Près dont l'accent français très prononçé est un pur délice (délicieuse Barbara et son fameux "I agrrri").



Basé sur un scénario captivant qui comme je l'ai dit plus haut n'est pas sans évoquer les grands classiques de la littérature gothique, de Dracula à Rebecca ou les chef-d'oeuvres du cinéma de genre tels que Les Innocents de jack Clayton, ou justement le Dracula de Curtis, ou même son adaptation du Tour d'écrou de Henry James, Dark Shadows Revival est passionnant de bout en bout et possède se souffle envoutant, quasi épique qui manque à nombre de séries de genre du moment. On pourrait presque dire que dark Shadows constitue la synthèse du cinéma de Dan Curtis et de ses références littéraires et cinématographiques, ce qui en fait une oeuvre, puisqu'on peut réellement parler d'oeuvre, extrèmement riche et extrèmement poignante.

La qualité esthétique est à saluer et la scènes des noces de barnabas et Josette, au centre d'une chapelle envahie de brume et entourés de centaines de chandeliers dorés est l'apogé du véritable travail artistique de l'équipe.



Soap Opéra gothique ensorcelant, Dark Shadows Revival n'a pas à rougir devant son ancêtre, le Dark Shadows original, car il est par bien des aspects plus abouti, si l'on peut parler d'aboutissement puisqu'il s'agit là d'une chef-d'oeuvre inachevé, 12 épisodes ont suffit à faire de Dark Shadows Revival une véritable réussite du genre, et c'est sans compter sur des acteurs fabuleux et des décors magnifiques.

21 déc. 2008

Meridian : Le baiser de la Bête

Réalisé par Charles Band en 1990.

Avec Sherilyn Fenn et Malcolm Jamieson.

Musique composée par Pino Donaggio.

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Catherine, une jeune étudiante se rend en Italie où elle possède le château de ses ancêtres. Dès le jour de son arrivé, une troupe de théâtre itinérante s'installe dans le parc. catherine se sent immédiatement attiré par un membre mystérieux sans cesse affublé d'un masque...

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En 1990, la société de production Full Moon a déjà à son palmarès de fort réjouissantes productions comme le sympathique Dolls de Stuart Gordon et d'autres comme le premier volet des Subspecies de Ted Nicolaou vont voir le jour. Charles Band d'ordinaire simple producteur passe pour la huitième fois derrière la caméra, mais non pas cette fois pour réaliser un bête film d'horreur commercial, mais pour une "oeuvre" qui lui tient beaucoup plus à coeur ; Meridian, un joli petit conte de fée aux accents érotiques bien loin des attentes de l'époque, et qui ferait aujourd'hui bien pâle figure face aux films de Tim Burton.

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C'est donc sceptique que je découvre Meridian, mais je suis bien vite charmé par l'envoutante musique de Pino Donaggio qui possède un indéniable savoir faire quand il s'agit de créer des ambiances surréaliste sur des accords au synthé.

Les premières scènes de Meridian ont de quoi rebuter, la photographie souffre d'un grain assez disgracieux au premier abord mais qui confère à l'image un aspect parcheminé qui masque un manque de moyen flagrant en donnant aux décors moyen-âgeux du château un aspect plus authentique.

L'actrice Sherilyn Fenn, déjà vu dans Twin Peaks de David Lynch se donne à corps perdu dans cette petite aventure qui reste l'un des meilleures film de sa pauvre carrière dont les début auguraient pourtant le meilleur pour la suite. Son rôle n'est certe pas le plus touchant du métrage mais la naïveté du personnage et les atouts de l'actrice ont bien ce qu'ils ont de séduisant et heureusement, à aucun moment le film ne sombre dans l'excès et Charles Band ne donne pas libre cour à ses délires érotiques, même si on sent un furieux désir de déshabiller son héroïne, il film pudiquement les scènes d'amour qui se déroulent dans de très beaux décors à grand renfort de candélabres et de rideaux cramoisis.

Malcolm Jamiesson assure avec brio le double rôle de Jumeaux dont l'un est un homme froid rongé par la haine et l'autre une âme torturée en proie à un mal inhérrents aux princes charmants des contes : il se transforme en bête chaque fois que son coeur bât pour une belle princesse.

Mais la bête n'est que prétexte, le véritable fléau, c'est ce double, envahissant, ce frère aigris qui ne supporte pas de voir son monstre de frère heureux...alors lequel des deux est le monstre ? Ce n'est pas par sa grande subtilité que le scénario brille mais bien par sa naïveté. C'est cette naïveté qui donne envie d'y croire.

On en peut s'empêcher en voyant ce petit film, de penser à une relecture de La belle et la Bête car par bien des aspect, l'histoire qui nous est contée ressemble à celle bien connue de notre enfance, mais on est loin tout de même des théières chantantes de Disney. La thématique sexuelle est omniprésente dans le film de Charles Band et l'acte en lui-même est réitéré, parfois de façon symbolique, souvent de façon concrète. Même lorsque Catherine soupçonne cette bête, apparemment immortelle d'avoir assassiné son ancêtre qui en était elle aussi tombé amoureuse, elle ne peut s'empêcher de succomber à ses caresses.........et là me direz vous, tout nous pousse à croire que Band à ressorti son "Freud écourté" de Terminale (elle aussi écourtée ?) pour étayer son scénario (non je suis missant missant missant ! ^^).

Vers le final, Charles Band semble s'emmêler quelque peu les pinceaux et bacle certains aspects qui auraient gagnés à être plus travaillés. Cependant, il faut reconnaitre que cette étonnante production Full Moon a été par trop sous-estimé et que malgré un manque de moyen évident et un scénario d'une naïveté (comptons un peu le nombre de fois que j'ai écrit ce mot -_-) à toute épreuve, elle se révèle être un très joli conte de fée, mais attention, For Adult Only, qui plaira forcément aux grands sensibles comme moi et aux amateurs de châteaux haut perchés et de grosses bêtes poilues !

14 déc. 2008

Dan Curtis' Dracula

Réalisé par Dan Curtis en 1973.
Scénario de Richard Matheson.
Avec Jack Palance, Simon Ward, Nigel Davenport, Fiona Lewis, Murray Brown...

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1897, un jeune clerc de notaire anglais se rend chez le comte Dracula qui veut acquérir une demeure à Londres. Lorsqu'au dîner Dracula tombe sur une photo réunissant Lucy et Mina, son attitude change du tout au tout. Décidé à retrouver celle qu'il pense être la réincarnation de sa défunte femme, il abandonne Harker à ses 3 compagnes vampires et se rend à Londres...

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Au début des années 70, la figure de Dracula au cinéma est devenu totalement incontournable. La Hammer achève définitivement sa série avec Dracula vit toujours à Londres (Dracula is dead...and well and living in London, 1973), Jess Franco réalise ce qui reste comme l'un de ses meilleures films avec Les Nuits de Dracula (El Conde Dracula 1970) Et Andy Warhol et Paul Morissey s'apprètent à réaliser Du sang pour Dracula (1974). Il est donc normal que la télévision américaine s'intéresse au célèbre vampire et nous livre, dans la même période un téléfilm créé par des grands noms du fantastique, j'ai nommé Dan Curtis (la série Dark Shadows et son superbe Revival) et Richard Matheson (La maison des Damnés, ainsi que les scénarios du cycle Poe de Roger Coman). La succès télévisuel de cette production de 2 heures est tel, que les producteurs le réduisent à 1H40 (ce qui en fait quand même le Dracula le plus long à l'époque...mais on se demande encore où sont passé les 20 minutes charcutées) pour le diffuser en salle.


Malgré un manque de moyens flagrant, Le DRACULA de Dan Curtis n'a pas à rougir face aux films de Terence Fisher (Le Cauchemar de Dracula, 1958 et Dracula prince des ténèbres, 1966) et surtout pas face au film de Jess Franco (duquel on a tendance à le rapprocher facilement).

Le vampire est interprété par Jack palance qui insufle au personnage un côté torturé et bestial, romantique jusque là inédit, évoluant dans un scénario de Richard Matheson (maître du fantastique moderne) assez fidèle au roman de Stoker. L'adaptation, suivant tout de même la lancée de film de Franco met en avant le passé guerrier du comte et introduit pour la première fois l'idée de son amour perdu, idée reprise bien plus tard par Coppola. Il faut reconnaitre en passant que la scène où Dracula expose à Harker les batailles de ses ancêtres est beaucoup moins pognante que celle du film de Franco, mais elle n'en est pas moins belle et le film de Curtis est globalement bien plus réussi que celui de ce vieux Jess.


Jamais auparavant Dracula n'avait fait montre de tant d'émotions, il devient une figure pathétique, transportant une aura imposante, effrayante et attirante, incarnation d'Eros et Thanatos qui est obligé de détruire ce qu'il aime pour le garder auprès de lui.

Les décors démontrent le peu de moyens de la production mais aussi une grande inventivité de l'équipe du film. la demeure du vampire n'est plus le château en ruine du film de Tod Browning ou de celui de Franco, ni la batisse dont les murs arborent trophées de chasse et blasons guerriers du film de Fisher, c'est au contraire un manoir meublé dans un mélange de style empire et victorien, où les meubles vernis et les tentures de velours contrastent avec les épaisses portes de chêne et els immenses cheminés de pierre. Pas question ici de rats ou de toiles d'araignées, le sempiternel caveau est remplacé ici par un burreau certes un peu poussiéreux mais néanmoins classieux.

A côté de Dracula, c'est presque Van Helsing (Nigel Daveport) qui nous apparait comme le méchant. Le vampire devant la caméra de Dan Curtis s'effondre comme le héros d'un opéra de Verdi alors que la clameur d'une foule semble s'élever au loins, elle cri "Dracula, Dracula !", et on pourrait croire que c'est une façon de nous dire "Le roi est mort...Vive le roi !".

8 déc. 2008

La Damnation de Faust (Opéra en 4 actes par Hector Berlioz)



Opéra en quatre actes créé à Paris en 1846 par Hector Berlioz. Cette oeuvre musicale est basée sur la pièce de Goethe traduite par Gerard de Nerval.
Marciello Giordani (Faust), Susan Graham (Marguerite) et John Relyea (Mephistophélès) dans une mise en scène de Robert Lepage. Orchestre dirrigé par James Levine.
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Au crépuscule de sa vie, le Dr Faust pense à la mort. Alors qu'il s'apprète à porter à ses lèvre une coupe de poison, Mephistophélès fait son apparition sous la forme d'un séduisant voyageur qui propose à faust un étonnant voyage au pays des plaisirs et pourquoi pas l'amour sur un plateau d'argent...Non loin de là, sans l'avoir jamais vu, Marguerite rêve à faust et en tombe amoureuse en songe.

Lorsque l'on évoque Faust à l'opéra on pense forcément à l'oeuvre de Gounod et au fameux air des bijoux (aaah je ris de me vois si belle etc etc), oeuvre dont on ne peut nier le caractère parfois vaudevillesque malgré une ampleur et une beauté déconcertante. Face à ce chef-d'oeuvre incontesté se tient, plus courte et plus concise la version de Berlioz, qui n'a musicalement rien à voir, mais rien à envier à l'oeuvre de Gounod.



Le sexy Mephistophélès entraine Faust dans les bas-fonds après lui avoir rendu sa jeunesse.


Le plus bel air est sans doute la Romance de Marguerite lors de sa première et bouleversante apparition sur scène. L'interprétation sans faille de Susan Graham (qui n'a pourtant plus vraiment l'âge pour ce rôle d'innocente jeune femme) renforce l'émotion suscité par cette air mélancolique et doux qui reste très longtemps en tête et par ce rôle si injuste et si beau.

L'interprétation de Faust par Marciello Giordani est tout à fait honorable, même si l'on peut à la base reprocher un manque de nuance chez le personnage de Berlioz. Le revirement final de Faust est amené magistralement mais il est malheureusement difficile pour le spectateur de ressentir une quelconque forme d'empathie pour le personnage.

Mais le meilleur interprète de cet opéra est sans conteste John Relyea qui incarne un Mephistophélès monstrueusement sensuel à la voix grave et profonde. Personnage à la fois le plus sadique et le plus sage, la figure du diable dans cet opéra est de loin la plus intéressante.


Marguerite éfondrée alors que Faust ne revient pas.

Elle sort pensant presser son retour.




Ce chef-d'oeuvre méconnu se trouve sublimé pour cette représentation au Metropolitan Opera de New York par une grandiose mise en scène de Robert Lepage, scénographe célèbre pour avoir l'habitude de bouleverser les codes de la mise en scène pare l'utilisation de nouvelles technologies. Bien sûr, on redoute de sa part une débauche d'effets convenus et intiles, mais loin de là, Robert Lepage nous gratifie de scènes certes créées grace à un écran ou des images de synthèse, mais d'une poésie enchanteresse qui m'a tout simplement scotché ! Ce décors sophistiqué est loin de dénaturer l'opéra de Berlioz et donne à l'adaptation de l'oeuvre de Goethe une dimension fantastique inédite dirigée de main de maître par ce petit génie de Lepage. Cette vision nouvelle permet de découvrir d'une manière inhabituelle un superbe opéra par trop sous-estimé.



Malgré ces effets légèrement artificiels dans leur beauté plastique très propre, La Damnation de Faust garde tout son panache et cette pléïade d'acteurs nous offre une prestation magique pour deux heures trois quarts d'enchantement qui nous font littéralement redécouvrir l'histoire pourtant maintes fois revue de la damnation de Faust.

7 déc. 2008

Casanova

Réalisé par Frederico Felini en 1976.
Avec Donald Sutherland, Tina Aumont, Daniel Emilfork, Mary Marquet...
Librement inspiré des Mémoires de Giacomo Casanova.
Musique composée par Nino Rota.

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Felini nous offre avec Casanova un biopic génial, dublé d'un regard éclairé et froid sur la solitude d'un homme addulé et poursuivit par sa renommée.
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Le film de felini s'ouvre sur l'image stupéfiante de Casanova, ramant, bravant les éléments sur une mer constituée de sacs poubelles pour rejoindre sur une île une nonne, sur fond d'une fête en l'honneur de Venus dans les rue de Venise, ce qui constitue la première rencontre érotique et étrange du film.

La naissance du personnage est dans le film résumée en une élipse narrative qui nous dit qu'encore fort jeune, Giacomo Casanova s'est vu tomber amoureux d'une femme et ce sans espoir de retour.

L'histoire que Felini nous expose s'étale donc de l'évasion de Casanova de la prison des Plombs jusqu'à son extrème vieillesse : De l'âge d'or du personnage, jusqu'à ce qu'il sombre dans l'oublie et la quasi folie. Felini réinvente le mythe de Casanova pour en faire un véritable délire cinématographique, jubilatoire et coloré mais aussi une vision dépouillée de la déchéance d'un libertin malheureux dans un monde de dentelles et de pourritures qui sent d'ici le rance et le moisis, éclairé à moitié par des candélabres aux aux flames tremblotantes.

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Les frasques venitiennes ne nous sont proposées qu'en courts flash back, la sexualité felinienne ne se reconnaissant pas dans les délires puérils du grand séducteur italien. Felini a préféré s'attarder sur la folie des grandeurs du personnage et sur le désespoir que reflète ce besoin de séduire. On rencontrera donc succéssivement dans le film, une Marquise d'Urfé qui encaisse mal le poid des années, une géante de fête forraine, une bossue contorsionniste, jusqu'à cette pathétique scène de cour à une poupée mécanique. Le film est une véritable féérie d'un bout à l'autre : révélation d'un univers déjanté et non fresque historique au sens propre du terme, le film est mal reçu par le public qui quitte parfois la salle en plein milieu du film incapable de prendre en charge la déchéance du personnage et ne supportant pas la teinte glauque que prennent les évennements. Méprisé, détesté, Casanova reste néanmoins pour un public certes restreint mais néanmoins cinéphile, un enchantement visuel et philosophique ; un défi relevé du cinéma italien dans son plus bel âge.

Donald Sutherland, agé à l'époque de 42 ans, campe merveilleusement le personnage contradictoire, à la fois capricieux et désenchanté, pathétique et démesuré de Casanova et nous gratifie d'un jeu volontairement outrancier mais tout à fait approprié à ce tour de force ironique. Car l'ironie est à tout moment présente dans le film, une ironie qui à la fois rabaisse le personnage vis à vis de son entourage et le rend dérisoire et pittoyable pour le spectateur notamment lors de la dernière fête où Casanova se retrouve seul face à une horde de bourgeois sauvage parmi lesquels il ne peut même plus briller par sa conversation : personne ne l'écoute, personne ne le voit. Les temps changent et Casanova reste le même. C'est dans sa rencontre fortuite avec sa mère que réside le passage le plus troublant du film. S'instaure avec cette femme sarcastique un rapport étrange, une discussion annodine et surréaliste jusqu'au départ de la mère, sans au revoir ni adieu dans un carosse noir de deuil sur une étendue gelée.

D'un point de vue esthétique, Casanova est une splendeur véritable, le décor est à la démesure du personnage, comme ces énormes lustres qui doivent être déscendus pour être rallumés ou éteint, au milieu desquels seul se tient Giacomo Casanova--un géant déchu parmi ceux qui brillent encore-- Ou la démesure des orgues du Wurtemberg qui obligent les musiciens à monter sur des escabeaux pour jouer. Cette folie des grandeurs ne peut véritablement se rapprocher d'un film de Visconti, car on n'y retrouve à aucun moment ce soucis de réallisme (rappelons que Visconti est issu du néo-réallisme) mais au contraire une éxagération délirante là ou la démesure de Visconti réside dans ses personnages (Ludwig).

La dernière partie du film nous montre un Casanova vieillit, devenu bibliothécaire, au milieu de serviteurs triviaux qui voit, au milieu de cette lagune gelée, poindre puis disparaitre la Vénus de la fête et s'en aller avec elle musiques et rêves de grandeurs. Mort symbolique ou réelle du personnage qui avec ses anciennes conquêtes voit s'évaporer sa raison de vivre.



Cette débauche hallucinatoire, ce véritable "trip" érotique et tragique, surchargé et saturé fait à la fois du Casanova de Felini l'un des plus grands films qui soit mais aussi, et c'est peut-être le plus important, l'essence même du Baroque au cinéma, car c'est bien de cela qu'il s'agit, de baroque dans sa plus pure forme !

2 déc. 2008

Jack l'éventreur (1976)

Réalisé par Jess Franco en 1976.
Avec Klaus Kinski, Josephine Chaplin, Lina Romay...
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1888, dans le quartier de Whitechapel rôde l'inquiétante silhouette de celui que tout le monde appelle Jack The Ripper. Les meurtres de prostituées se multiplient et la police patauge littéralement dans la semoule. Le Dr Dennis Orloff, qui tiens un cabinet au rez de chaussé d'une jolie pension de famille et qui sort chaque nuit pour ne rentrer qu'au petit matin semble se dérober chaque fois qu'on aborde le sujet des meurtres ou qu'on lui parmle de sa mère...cet homme si sympathique en apparence, si aimable et si bon, qui se ballade dans les ruelles sombres avec une cape, des gants noirs et un scalpel ne serait-il pas en réalité Jack l'éventreur lui-même ?
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Comme je l'ai dit dans l'article sur le film de 1953 avec Jack Palance, les films mettant en scène le célèbre tueur en série sont nombreux, et les adaptations les moins connues ne sont pas forcément les moins intéressantes. C'est le cas de ce Jess Franco's Jack the Ripper mettant en scène deux têtes d'affiches plus qu'attrayantes : Klaus Kinski et Joséphine Chaplin.

Franco est loin d'être un novice dans le genre et cette nouvelle et très libre version de la funeste histoire de jack l'éventreur et par bien des aspect semblable à un précédent Thriller de Franco : L'Horrible Dr Orloff (1962) avec Howard Vernon (remake officieux du superbe Les yeux sans visage de Franju qui connaitra une version modernisée en 1988, par Franco lui-même avec Helmut Berger ; Les prédateurs de la nuit). Mais plutôt que d'entrer dans les comparaisons que seul pourront saisir les connaisseurs, Let's talk about the movie !

L'entrée en matière de ce Jack The Ripper est des plus classique, le générique en lettre rouge suit une jeune prostituée dans les rues de Whitechapel et on ne doute pas un seul instant du sort qui l'attend. Il en va de même pour le reste du film, aucun rebondissement n'est une surprise, Franco n'est pas (plus) habitué à faire dans la subtilité.

Hey non ! N'éteignez pas votre téléviseur !!! N'oubliez pas que cette version est loin d'être la moins intéressante, c'est ce que j'ai dit du moins alors à ce stade de la critique croyez-moi et croyez en Jess !
Message à l'attention des non-initiés :
Il est facil de manger du jack l'éventreur à toutes les sauces, et beaucoup on choisit le ketchup, qu'à celà ne tienne, Jess y met la double dose !
Facil aussi de matiner la recette d'un soupçon d'érotisme : Pour Jess ça sera quelques louches.
Facil enfin de faire passer un paisible quartier suisse pour le glauque quartier de Whitechapel, Jess en use et en abuse et on y voit que du bleu...




Maintenant passons aux choses sérieuse si tant est qu'on puisse être sérieux lorsqu'on parle de ce cher Jess Franco.

Entouré comme de coutume d'un casting de choix, Franco se lance dans l'aventure, avec en main un scénario pré-maché, en partie recyclé de L'Horrible Dr Orloff considéré encore aujourd'hui comme un véritable classique. La musique est confiée à un illustre inconnu qui compose un thème unique mais efficace pour les 92 minutes de métrage, la photographie ne s'encombre d'aucun filtre et les éclairages redoublent d'inventivité pour créer une atmosphère sombre et glauque à souhait qui n'a rien à envier aux autres productions du genre. Ces caractéristiques font déjà de jack The Ripper l'un des films les plus aboutis techniquement de Jess Franco, on se demandera alors pourquoi ce Ripper méconnu a sombré dans l'oublie alors que le très inférieur Les nuits de Dracula le totalement flou Rites of Frankenstein et l'abominable Abime des Mort-vivants restent gravés dans les mémoires. Réponse parce qu'il n'est justement pas assez nul pour être considéré comme une production Franco qui se respecte !!! Blague à part, j'en sais fichtrement rien !

Klaus Kinski livre une partition fort intéressante en Dr Orloff (tiens donc), serviable, excellent praticien le jour, serial killer torturé la nuit. Son regard inquiétant et fixe y est pour beaucoup et sa prestance naturelle fait le reste. Quant à Joséphine Chaplin, si son jeu n'est pas à se damner, elle reste correcte dans le rôle de la petite amie de l'inspecteur qui tombe bêtement dans les filets du tueur, histoire d'inquiéter tout le monde !

La théorie développée par Franco est moins fantasque que ce que l'ont pouvait imaginer, ici le Dr Orloff ne tue pas les femme pour leur prendre leur visage comme dans le film de 1962 (dans lequel il tente de greffer un nouveau visage à sa fille défigurée) mais s'attaque aux prostituées car sa propre mère en était une et qu'elle aurait apparemment abusé de lui (?!). L'intéressant postulat du Film de Hugo Fergonese avec Jack Palance prend une tournure quasi comique pour le non initié. Quant à moi je suis le film avec grand intérêt, mon affection pour Franco me ferait faire n'importe quoi.

La police de son côté patauge toujours, les pêcheurs remontent des morceaux de corps de la tamise (enfin, de la petite rivière suisse), la propriétaire de la pension de famille tombe amoureuse d'Orloff... et les shadocks pompent et pompent encore...


Cependant, même le spectateur le plus réfractaire sera obligé d'admettre que le film de Franco est fortement prenant, jamais ennuyeux, toujours maîtrisé et étrangement bien filmé. Alternant coup d'éclat, trouvailles surprenantes (l'aveugle qui reconnait l'éventreur grace à l'odeur d'une plante médicinale) et passages à vide démontrant un désintérêt relatif pour le sujet (longues séquences de meurtres pas toujours utiles) Jess Franco's Jack The Ripper est un film totalement bis qui en étonnera plus d'un. Tout amateur d'étrangeté se doit de l'avoir vu, les férus de polars victoriens et de Jack l'éventreur passerons leur chemin.

Pour ma part je le reverrai encore avec plaisir, ne serai-ce que pour la scène finale, qui voit un Klause Kinski très digne se rendre à la police en disant cette énigmatique réplique: "Serai-je Jack l'éventreur ? Il faudra le prouver."

-Bouh Hououou !
-Oui, c'est ça Jess...et quand est-ce que tu nous r'fais un bon film ?