10 août 2008

Dracula (1979)

Réalisé par John Badham.

Avec Frank Langella, Laurence Olivier, Kate Nelligan, Donald Pleasance.
Musique de John Williams.
Basé sur le Roman de Bram Stoker.





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1911, le Demeter, un cargot roumain à destination du port de Scarborough se brise sur les rochers non loin de l'asile du Dr Seward (Donald Pleasance) à Whitby. C'est la jeune Mina van Helsing (Jan Francis) qui, comme attirée en plein orage par le navire échoué porte secours à celui qui semble être le seul survivant. Elle s'approche de l'homme couché sur le sol, et s'agenouille, doucement, il avance une main faible et saisi celle de Mina...elle ne sait pas encore que ce geste aussi touchantsoit-il va sceller sa perte.


Passé cette superbe introduction, Nous retrouvons les personnages de Stoker, tous interprétés avec brio par une distribution magique. Si on peut repprocher à Badham quelques modifications par rapport aux différents statuts des protagonistes (Modifications déjà présentes dans l'adaptation théâtrale d'Hamilton Dean ainsi que dans le grand classique de Tod Browning avec Bela Lugosi, qui font de Jack Seward le père de Lucy et d'Abraham van Helsing le père de Mina, et qui suppriment du scénario les personnages d'Arthur Holmwood et de Quincey Morris), On ne peut en aucun cas lui repprocher son traitement de ces mêmes personnages, qui si ils ne sont pas les exactes répliques de leurs homologues Stokeriens, n'en sont pas moins psychologiquement très riches.

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-Commençons d'abord par Mina (Jan Francis); la place qu'elle occupe dans le film est en réalité celle de lucy, première victime du vampire, qui connait une fin plutôt atroce, dispensée par ceux même qui ne veulent que son bien. Mina est une jeunne fille fragile, maladive et réservée, qui
demande beaucoup d'attention à cause de sa santé (Seward fait d'ailleurs remarquer à sa fille "mais ma chérie ton amie est TOUJOURS malade !!" balayant ainsi les arguments de Lucy qui souhaite rester auprès de Mina en invoquant sa santé fragile). Son innocence est à l'origine de son cruel destin, c'est l'ignorance de ce qui l'attend dans l'ombre, en suivant dracula, qui va la transformer, non pas en femme épanouie, mais en créature torturée et asoiffée de sang, le visage putréfié, allant jusqu'à s'attaquer à un bébé. Pour Badham, la véritable victime, celle qui craint le vampire, celle qui refoule ses désires, devient la créature qu'est Lucy une fois morte dans le roman, et non celle qui ne craint pas l'inconnu, le désir, la chair...

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-Vous avez dit Coincé ? Eh oui, Jonathan Harker (Trevor Eve) remporte la palme. le rôle de Jonathan pour Badham est clairment celui d'un obstacle en Lucy et son épanouissement total, si son amour est réel, sa jalousie, son manque de finesse, sa brutalité (envers la lucy devenu vampire) en font un personnage facilement détestable. Le jeu de Trevor Eve sans être le plus remarquable du film est extrèmement juste, malheureusement pour ce pauvre Jonathan, le charisme de Dracula/langella a vite fait de n'en faire qu'une bouchée.


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-Le père de Lucy, le Docteur Seward (Donald Pleasance) est lui aussi un personnage peu subtile mais ô combien attachant. Pleasance prête son embonpoint à un Seward gourmant et froussard dont on a peine à croire qu'il puisse être le père d'une divine créature comme sa fille. Badham en fait un personnage extrêmement ironique, celui du médecin qui ne parvient jamais à prendre un cas au sérieux, le spassages où on le voit dans son asile en témoignent, et sa réaction face à la
mort de Mina (Il lui donne des claques pour qu'elle respire, et plus tard en discute tout à fait naturellement en déjeunant, manquant de tacher sa veste de jaune d'oeuf) parait complêtement déplacé. On peut noter une réplique très significative du personnage, lorsqu'ayant dit à Van Helsing qu'il avait donné du laudanum à Mina pour la calmer, il lui dit plus tard que jamais il n'en donnerai à sa propre fille...bref, ce cher Seward/Pleasance présente bien des travers, mais il attire très vite toute la sympathie du spectateur.


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-On en arrive à Abraham Van Helsing, interprété par un Laurence Olivier un brin fatigué mais qui n'a rien perdu de sa prestance. Il n'est pas le Van Helsing enthousiaste et robuste de Stoker et fait plutôt figure de vieillard face à Dracula, mais sa répartie, sa manière de tenir tête au vampire alors qu'il pourrait en aller de sa vie donnent une impression de puissance et de sagesse infinie. Il parvient plusieurs fois à faire echec au vampire mais en sort toujours à bout de souffle, cette faiblesse, qui pour beaucoup empêche Olivier de rester comme l'un des meilleurs Van Helsing, est pourtant nécessaire, car elle permet à Badham de montrer que dans une angleterre au relents Victoriens, l'affirmation du désir est sur le point de prendre le pas sur le puritanisme du XIXème siècle.


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-Bien au dessus de ces personnages bien-comme-il-faut, encore ancrés dans l'ère victorienne et ses tabous, flotte l'ombre menaçante (ou libératrice) de Dracula.
L'acteur Frank Langella insufle au personnage un standing totalement nouveau, très différent de celui initié par Bela Lugosi, Christopher lee etc. Badham semble clair là dessus l'avantage est au vampire et c'est pour lui que nous prendrons fait et cause. En effet à la vue du couple Lucy/Dracula, on ne peut que souhaiter qu'ils échappent tous deux enfin à cette société castratrice, qu'ils s'éloignent de ce monde des vivants qui par bien des aspects évoque la mort. Dracula/Langella éclipse très vite les gentils, et Jonathan disparait, avalé tout cru par l'aura magnifique et sensuelle du vampire. cette opposition est très bien rendu lors d'une superbe scène de valse ; lucy et Dracula dansent, à un rythme endiablé, sous le regard d'un Jonathan qui achève de nous paraître moche et con. Non content de monopoliser l'attention de ces dames (et de ces messieurs) lorsqu'il est là, Dracula semble même présent lorsqu'il est absent ; sa présence est sans cesse suggérée, par des symboles plus ou moins flagrants, comme lorsque Lucy se rend à Carfax, ("par courtoisie" comme elle dit à son père, pour ne pas faire l'affront de refuser une invitation à diner du comte) et entre dans la magnifique salle à manger : Dracula n'est visiblement pas là, mais la caméra est postée dans un coin, juste au dessus d'une toile d'araignée, toile qui se superpose donc sur Lucy en contrebas. La jeune femme semble donc piégée dans la toile.

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- Mais Lucy (Kate Nelligan) n'est pas femme à se laisser piéger, si elle s'abandonne à Dracula c'est avant tout parce qu'elle le veut ("Je suis venu de mon plein gré" en référence à la phrase bien connu "entrez ici de votre plein gré"). Kate Nelligan
nous offre ici une performance qui vole littéralement la vedette à Dracula, pour une fois enfin, la femme n'est plus la victime passive qui attend d'être sauvé mais bien l'actrice principale de la trame. Exit les jolies filles aux cris éffarouchés, voici la femme émancipée ("Nous ne sommes pas des meubles" dira-t-elle à Mina) qui n'est pas là pour décorer. quand elle dit qu'elle suivra Dracula, on ne la pense pas du tout sous l'influence d'un quelconque maléfice, car on sent, on sait que c'est là son désir, d'échapper enfin à un monde de convenances, à un Jonathan trop peu ambitieux (et pas aussi séduisant que son amant immortel il faut bien le dire). ce n'est pas à Dracula qu'elle attribut la mort de Mina, mais aux trois homme qui l'entourent et disent la protéger; comment peut-elle faire confiance à son père, à son futur mari ou à ce Van helsing qui se dit son ami, alors qu'elle les a vu transpercer sa pauvre ami d'un pieux, elle qui venait juste de passer à un nouveau stade d'existance, comment peut-elle faire confiance à un père aimant qui n'hésite pas à arracher le coeur de sa défunte fille en disant vouloir la sauver ? Elle ne le peut tout simplement pas, car jamais elle ne deviendra ce que Mina est devenu, car elle sait ce qui l'attend, elle n'est plus une victime car Dracula la hisse à son rang et ce n'est plus une scène de morsure à laquelle on assiste lorsque Dracula vient la visiter dans sa chambre mais à une scène d'amour, sublimée par un éclairage parfait. Pour Badham, Dracula, c'est l'amour.



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D'un point de vue esthétique, ce Dracula est particulièrement somptueux, les décors ont fait l'objet d'une attention et d'une créativité qui les rendent particulièrement imposants, il faut voir l'idée que Badham se fait de l'abbaye de carfax, qui prend ici les atours du chateau original de Dracula, haut perché sur les rocailles, un décors en apparence parfaitement gothique mais aussi terriblement érotique, qui semble inviter le vampire et sa proie à des jeux de morsures plus poussés.


Le soin apporté à la photographie est à tomber à la renverse, tout comme la magnifique partition composée par le talentueux John Williams qui évoque avec brio l'âme torturée du vampire.

Bref, John Badham est parvenu à nous offrir la quintescence du vampire, épaulé par une pléiade d'acteurs magiques, le couple Kate Nelligan/Frank Langella en tête. Ce Dracula aux allures de Dom Juan maudit fait figure de chef-d'oeuvre !

1 commentaire:

steph_du_73 a dit…

tres bel arcicle sur un des meilleurs interprètes de Dracula pour moi :Frank Langella. Il a interprété aussi Sherlock HOLMES AU THEATRE.
http://starringsherlockholmes.blogspot.com/