21 juin 2010

Carnosaur

Roman de John Brosnan (sous le pseudonyme de Harry Adam Knight)


Il ne se passe jamais rien à Warchester, c'est du moins ce que pense David Pascal, jeune journaliste au Warchester Times. Il semblerait pourtant que cette année fasse exception : Une série de meurtres atroces sont commis dans le petit comté britanique et tout le monde soupçonne bien vite un animal échappé du zoo privé de Lord Penward, un riche excentrique fasciné par les grands fauves. Peu convaincu par toutes les explications données à la presse et intrigué par une foule de détails inexpliqués, David mène l'enquête et pour se rapprocher du zoo, s'embarque dans une liaison avec Lady Jane Penward, l'insatisfaite et malheureuse femme de Lord Penward. Evidemment, David a à l'esprit une autre femme que Jane, mais cela elle ne doit jamais le savoir, sinon David va apprendre à ses dépend que bien plus que le plus grand des prédateurs ayant foulé ce sol, la vengeance d'une femme trahie peut-être dévastatrice.
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Lorsque l'on évoque Carnosaur, c'est plus souvent le film qu'il a vaguement inspiré qui vient à l'esprit plutôt que l'oeuvre originale. Carnosaur, avant d'être un film réalisé en 1993 par Adam Simon et produit par Roger Corman, est un roman, écrit par l'auteur australien John Brosnan et publié en 1984 (soit 5 ans avant le Jurassic Park de Michael Crichton). On pourrait dire de Carnosaur qu'il est à la littérature ce que la série B est au cinéma sans que cela ne soit péjoratif, puisque cette série B littéraire s'avère être une curieuse découverte, extrèmement divertissante, voire même passionnante, mêlant intrigues policières, histoires de cul, manoirs gothiques et dinosaures.
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John Brosnan mélange les genres, dans cette étrange histoires de dinosaures clonés, ce sont le plus souvent les histoires de fesses qui prennent le pas et les héros de l'intrigue sont pour la plupart assez détestables et animés de basses préoccupations, cependant, voila que traversant des évènements terribles, les protagonistes nous apparaissent de plus en plus attachants, avec leur hypocrisie exacerbée, leur cynisme vomitif, bref, David Pascal n'est pas le gendre idéal, il n'est qu'un être humain. Le personnage le plus sympathique du roman est sans conteste Lady Jane Penward, épouse nymphomane, alcoolique et insatisfaite d'un grand malade adepte du sado-masochisme qui a pour dernière lubie de rendre aux dinosaures leur royaume perdu. Figure pathétique du roman, Jane se laisse avoir par David, pensant qu'auprès d'un jeune homme de 20 ans son cadet elle trouvera consolation, instable elle est sans doute une psychotique marginale, comme le pense David après quelques nuits passées avec elle, ce qui se confirmera par la suite, avec l'arrivée de Jennie, l'ex-petite amie de David encore bien présente dans sa vie.
Et les dinosaures dans tout ça ? Vous aurez compris qu'ils ne sont pas le principal intérêt de cette étude sociologique délirante, à la fois malsaine et jubilatoire, mais force est de constater que Brosnan fait preuve d'une originalité inattendue en incluant dans son roman différentes espèces alors assez peu populaires, telles le Tarbosaurus (cousin asiatique du Tyrannosaure), le Dilophosaurus (élégant théropode qu'on croise plus tard dans Jurassic Park), l'Altispinax (17 ans avant le Spinosaurus de Jurassic Park 3) ou encore le Deynonichus (popularisé par les Raptor quelques 9 ans plus tard). Ces animaux sont amenés de façon étonnamment crédible, si les rapports entre les personnages prètent souvent à sourire pour peu que l'on ne soit pas hermétique à l'humour noir, le discours sur le clonage de Lord Penward se tient, pour peu que l'on ne soit pas spécialiste du génie génétique. Cette joyeuse ménagerie va se retrouver bien sûr en libertée dans le petit comté de Warchester lors d'un final apocalyptique, point d'orgue du roman.
Carnosaur est donc un divertissement d'une grande qualité, une lecture inhabituelle qui permet de découvrir le style simple et fluide de John Brosnan et son imagination débordante, qui tient en haleine jusqu'au bout, faisant de sa courte durée de vie (220 pages) l'un de ses plus grands atouts.

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Puisque je l'ai évoque plus haut, j'ajoute queluqes mots sur le film de Adam Simon, Carnosaur, produit par Roger Corman en 1993.

Comparé à celui du roman, le résumé de ce film serait tout autre, je dirait simplement que du roman de Harry Adam Knight, le film ne retient ni les personnages, ni leurs motivations, ni les lieux, ni même les dinosaures...

Diane Ladd y tient le rôle du Dr Tiptree, qui sous couvert de travaux dans l'agro-alimentaire, ressuscite des dinosaures et met au point un virus, qui une fois inoculé, entraine le développement dans l'utérus des femmes d'embryons de dinosaures. Voila qui est tout aussi délirant sinon plus que la base du roman, et les autres personnages, qui ne sont pas des journalistes ici, mais un gardien de chantier et une jeune militante écologiste sont tout aussi cyniques.
Si on peut reprocher au film des effets spéciaux risibles et son bestiaire limité (un tyrannosaure et un deynonichus, pour ce que l'on peut en voire, qui sont l'oeuvre de John Carl Buechler) en raison d'un budget total restreint de 1 million de dollar (pour la comparaison, Jurassic Park a bénéficié de 63 millions) , et une trame plutôt bancale, il a pour lui l'interprétation douce-amère de Diane Ladd et sa fin extrèmement pessimiste. Certes, Carnosaur n'est pas une adaptation digne de ce nom et certainement pas un chef-d'oeuvre mais un film sombre, une production Corman franchement intéressante, plus en tout cas que les suites qu'elle a engendré et qui ne valent même pas la peine d'en parler.

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