31 mai 2009

The Bride of Frankenstein

Réalisé par James Whale en 1935.
Avec Boris Karloff, Elsa Lanchester, Colin Clive, Ernest Thesiger, Valerie Hobson...
Music composée par Franz Waxman
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Un soir de Juin 1816, Lord Byron, Percy Shelley et Mary Shelley sont réunis à Deodati. Alors que l'orage gronde, Mary élabore la fin de son chef-d'oeuvre, Frankenstein, et raconte à Byron et Percy comment la créature demanda une compagne...
Des ruines du moulin que les villageois ont incendié pour faire périr le monstre, la massive silhouette se relève, bien décider à faire payer aux vivants la haine qu'ils lui opposent.
Le Baron Frankenstein se repose, traumatisé par l'échec de son travail et bien décidé à en finir avec ses idées blasphématoires, mais c'est sans compter sur le persuasif Dr Pretorius qui le pousse à recommencer pour créer cette fois une femme...
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Nous connaissons tous aujourd'hui l'histoire de Frankenstein par Mary Shelley, ainsi que le film de James Whale dont les racourcis scénaristiques ont été maintes fois repris aux cinéma. Le premier Frankenstein de Whale reste d'ailleurs l'une des plus grandes références du cinéma fantastique, même si la fidélité n'est pas toujours au rendez-vous, ne serai-ce que pour la prestation inoubliable de Boris Karloff dans le rôle de la créature et celle de Colin Clive dans le rôle d'un Frankenstein possédé par ses travaux. En 1935, Whale donne une suite à son Frankenstein en mettant en scène un pan du roman totalement éclipsé du premier film.
Le film s'ouvre d'une manière surprenante avec une introduction nous montrant le couple Shelley ainsi que Byron dans le salon de la villa Deodati, inutile de préciser que la vision qu'en donne Whale est incomparable à celle que donnera bien plus tard Ken Russell dans son film GOTHIC, mais la tentative de rattacher l'histoire de Frankenstein à celle de son auteur est louable, de plus la scène est particulièrement belle, les décors et l'orage grondant dehors, les éclairs, lui donnent un caractère onirique ensorcelant.
Si on peut voir que Whale encore une fois prend de grandes distances vis à vis du matériaux d'origine, il en reste totalement fidèle à lui-même, ainsi, l'histoire de Frankenstein reprend là où elle s'était arrêtée. Frankenstein, ainsi que sa créature ont survécu à l'incendie qui as dévasté le moulin dans la scène finale de Frankenstein. Les histoires des deux personnages vont donc se dérouler en parallèle et n'intéragir que vers la dernière partie du métrage, nous suivrons donc d'un côté le Baron Frankenstein harcelé par le Dr Pretorius, et de l'autre, la créature, pourchassée de nouveau. Whale va accentuer le côté mélodramatique de l'existence de la créature, Boris Karloff parvenait déjà à faire éprouver de la pitié pour le monstre dans une terrible scène de Frankenstein ou il jetait une petite fille dans un lac, sans comprendre, paniqué de voir qu'elle ne flotte pas comme les marguerittes. L'accent est donc mis sur cet aspect, la solitude, la tristesse, et la rancoeur, le passage avec le vieux violoniste aveugle en est un exemple parfait, même si on pourra lui reprocher et plutôt deux fois qu'une un côté "morale chrétienne" assez déplaisant.
Le Dr Pretorius, à l'origine de la création de la fameuse fiancée, est un personnage encore plus dénué de scrupule que l'était Frankenstein dans le précédent film. Tirant le personnage vers une carricature grotesque mais délicieuse, Whale en fait une sorte de magicien pervers, légèrement dérangé et carrément anachronique.
Le casting est de tout premier choix, on y retrouve les têtes d'affiches du premier film à savoir Boris Karloff dans le rôle de la créature, Colin Clive dans celui du Baron et la belle Elizabeth personnifiée pas Valerie Hobson. Mais dans ce film-ci, c'est réellement Elsa Lanchester dans le double rôle de Mary Shelley et de la Fiancée, qui tire son épingle du jeu, son apparition finale, avec son immense coiffure, drapée dans une longue robe blanche constitue le point d'orgue du film.
Karloff jugera le film inférieur au premier, du fait principalement que la créature est cette fois dotée de parole alors qu'elle avait toujours été muette, pensant que le monstre n'avait pas besoin de s'exprimer pour que l'on ressente sa détresse et qu'au contraire même son mutisme accentuait le côté pathétique. Ce "défaut" qui n'en est pas vraiment un est pallié par un accompagnement musical extra-diégétique très présent, parfois presque larmoyant qui cherche à immerger de façon excessive le spectateur dans l'histoire. Whale réalise certes un bijou d'émotion, mais dont l'ironie latente ainsi que la caractère quasi "burtonesque" avant l'heure cache une reflexion acerbe sur la religion. L'équipe du film s'en sort donc avec des honneurs largement mérité, La Fiancée de Frankenstein surpasse son ainé et forme avec ce dernier un dyptique parfait qui s'il est d'une fidélité discutable au roman de Mary Wollstencraft Godwin Shelley reste l'une des plus belles oeuvres cinématographique de tous les temps !

13 mai 2009

Tales of Terror

Réalisé en 1962 par Roger Corman.
Scénario de Richard Matheson.
Avec Vincent Price, Peter Lorre, Basil Rathbone...
Musique de Les Baxter.

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Morella est morte de puis près de 20 ans après la naissance de sa fille Elenora, mais elle hante toujours son époux. Lorsque Elenora revient à la maison après 20 ans d'absence, Morella y voit la possibiliter de revenir en chair et en os.

Le chat noir est détesté par l'ivrogne chez qui il vit, jusqu'au jour où il pourra se venger en dénonçant le meurtre que ce dernier à commis.

Enfin, Monsieur Valdemar est au prise sur son lit de mort avec un curieux docteur qu'il pourrait bien emmener avec lui dans la tombe.

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"Tales of terror" est le 3ème long métrage du cycle Poe de Roger Corman. Cette fois, Corman n'adapte pas une, mais trois nouvelles de Poe, réalisant lui-même les trois segment qui bénéficient tous de la stupéfiante prestation (j'ai presque envie de dire "présence") de Vincent Price.
Comme toujours, Richard Matheson est obligé de romancer quelque peu les récits pour les rendre adaptable, porter sur grand écran une nouvelle de Poe n'a rien de facil, mais le trio Corman/Matheson/Price a déjà su prouver qu'on pouvait s'en tirer à merveille avec La Chûte de la maison Usher et Le Puit et le Pendule.
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Avec Tales of terror on entre directement dans le vif du sujet, une voix off nous berce tandis que dans le noir apparait un coeur dont les battements nous conduisent jusqu'à Morella.
Morella est le plus court, et le plus classique des trois récits, il se rapproche énormément de la chûte de la maison Usher ou de La Tombe de Ligeia (le personnage de Vincent Price l'éternel angoissé qui vit avec la mort dans une maison branlante), ce qui en fait bien entendue une réussite plastique et tragique mais aussi une découverte assez peu surprenante. Morella aurai pu occuper à lui seul un métrage entier, mais le choix de Corman de l'inclure en tant que sketch est compréhensible compte tenu des similitudes trop flagrantes avec d'autres films de la série.
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Le Chat noir est au centre du film, et en constitue d'ailleurs l'intérêt principal. Bien plus long que Morella, Le chat Noir, quoique bien édulcoré par rapport au texte d'origine, est assez fidèle à l'esprit de la nouvelle. Si Matheson se permet de broder autour du personnage principal, incarné avec beaucoup d'humour par Peter Lorre, le final laisse apparaitre toute l'horreur et toute l'ironie de l'histoire : "j'avais muré le monstre dans la tombe", les cris du chat noir risque de hanter le spectateur un long moment.
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L'étrange histoire de Mr Valdemar sans être ininteressant est certainement le plus faible et le moins accessible des trois récits. Vincent Price y incarne un homme mourant qui réclame les services d'un étrange médecin pour ne pas souffrir. Le médecin, campé par un Basil Rathbone aussi rigide que Sherlock Holmes, va s'emparer de son âme et se jouer du mourant l'empêchant de trouver le repose jusqu'à ce que ce dernier accepte de lui donner la main de la veuve. Le final granguignolesque, même s'il peut se targuer d'une certaine fidélité à Poe n'a pas l'ampleur nécessaire pour clore le métrage.
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En bref, Tales of Terror, de par son caractère inégal et la trop courte durée de ses récits peut paraitre quelque peu hermétique aux novices. La qualité aléatoires des segments ne rend pas pour autant le tout désagréable et on y retrouve toute l'ambiance et de nombreux themes du cycle Poe. Tales of terror constitue donc une belle synthèse de l'univers d'Edgar Poe et de la série initiée par Roger Corman, dont le segment, Morella, s'il n'est pas le plus original reste mon préféré.

5 mai 2009

Edge of Sanity

Réalisé par Gérard Kikoïne en 1989.
Avec Anthony Perkins, Glynis Barber, Sarah Maur Thorp, David Lodge, Ben Cole...
Music composée par Frédéric Talgorn.

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Le Docteur Henry Jekyll cherche à remplacer la morphine par une dilution de cocaïne comme anesthésiant pour créer un anesthésiant local non addictif et sans risque pour le patient. Un soir qu'il teste la mixture sur son singe dans son laboratoire, un geste malencontreux de l'animal provoque une réaction qui plonge la pièce dans les émanations de cocaïne. Lorsque Jekyll en sort, il se retrouve embarqué dans un trip qui le conduira aux limites de la raison : il devient Jack Hyde et s'adonne dans Whitechapel à son passe-temps favoris, le meurtre de prostituées !

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La fin des années 80 a constitué une période riche en adaptations de classiques de la littérature, on peut citer le téléfilm de David Wickes, Dr Jekyll & Mr Hyde, celui de Alan Birkinshaw, La Chûte de la Maison Usher, ou le superbe film de Dwight H. Little, Phantom of the Opera. Il est étonnant de constater que les deux dernières empruntent une voix très éloignés de leurs prédécesseurs, on sait par exemple que contrairement aux adaptations antérieures, la version du fantôme de l'opéra par Dwight H. Little, tout en étant très fidèle au roman de Leroux, est un film relativement violent. Un autre film, adapté du grand classique de la littérature gothique (The strange case of Dr Jekyll and Mr Hyde), j'ai nommé Edge of Sanity va opter pour le même parti pris en l'étirant jusqu'au limite du visible.

C'est Gérard Kikoïne qui se retrouve aux commandes de la chose, l'homme est déjà connu pour son passif cinématographique dans l'érotisme ou même dans la pornographie, sans connaître les titres, on connait au moins la réputation du monsieur et ce n'ets pas sans une certaine appréhension que l'on visionne sa mise en image très...personnelle, de l'étrange cas du Dr Jekyll et de Jack l'éventreur...pardon je veux dire, de Mr Hyde !

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Mais c'est pourtant dans un état de quasi jubilation que j'ai extirpé Edge of Sanity de sa fragile gangue de coellophane après l'avoir déniché dans une fabuleuse boutique de Bruxelles !

Dès l'introduction, ce qui frappe, c'est la douceur du score musical composé par Frédéric Talgorn, qui évoque une valse de Vienne et la photographie très net qui impose à l'oeil une définition des rouges et des noirs terriblement profonde annonçant déjà les couleurs dominantes du métrage.

Du début jusqu'à la fin, Edge of Sanity se concentre sur son personnage central, le Dr Henry Jekyll, interprété génialement par Anthony Perkins encore auréolé de la folie de Norman Bates dans Psychose d'Alfred Hitchcock. Jekyll nous est montré comme un personnage frustré sexuellement, traumatisé dans son enfance qui trouve dans la cocaïne un échapatoire qui lui permet d'assouvir ses penchants issus du trauma sans éprouver de remords et sans pouvoir être démasqué. Nuit après nuit, Jekyll devient Hyde et dans cet état second par à la recherche de Suzanna, celle qui lui causât tant de torts lorsqu'il était petit garçon trop curieux et la reconnait à travers chaque prostitué qu'il cottoie. L'acte charnel n'est jamais représenté à l'écran, ou du moins, Hyde ne s'y adonne pas, préférant pousser jusqu'au bout le parti pris de la frustration.

La mise en parallèle de Hyde et de Jack l'éventreur n'est pas sans rappeler Dr Jekyll and Sister Hyde de Roy Ward Baker (1972): tout en proposant une explication aux antipodes l'une de l'autres, les deux films jouent sur le tableau de la double personnalité, utilisant à merveille le fait que l'éventreur aie pu être doué de connaissances médicales, et pourquoi pas médecin lui-même.

Psychologiquement très riche et porté par des dialogues qui soulèvent nombre de question philosophiques (l'homme est-il libre, que deviendrait-il une fois sorti du carcan de la loi, pourrait-il profoter d'une liberté totale, ou en serait-il incapable et préfèrerai se réfugier dans l'établissement de nouvelles règles...?), le film peut aussi s'ennorgueillir de son casting. Aux côtés de l'excellent Anthony Perkins, on trouve la très jolie Glynis Barber et le très aristocratique David Lodge qui cadrent parfaitement dans le tableau de la haute société victorienne. Pour couronner le tout, les décors servent à merveille le récit: la direction artistique, tout en respectant les codes de l'époque s'autorise quelques excès ça et là, donnant au Londres du XIX un caractère Jekyll&Hyde qui en fait le jour une façade lisse de convenance et la nuit, des bas fond de débauche, humides des ébats qui les agitent. Il est à souligner aussi que la BO tient tout au long du film le même souffle qu'au début et que l'ensemble savament orchestré constitue une véritable symphonie de l'horreur dont le climax n'est pas sans faire penser au Nouveau Monde de Dvorak.

Bien sûr je ne cacherai pas que Kikoïne a par moment laissé allé sa caméra aux limites du visible, mais ce sans pour autant tomber dans la pornographie. A la manière d'un Ken Russell par exemple, il offre une relecture à la fois odieuse et géniale, ou génialement odieuse d'un mythe qui n'a jusque là été traité que de manière fort sage, ainsi qu'une pièce essentielle à la longue série des adaptation de Jekyll & Hyde qui montre qu'il est encore et toujours possible de renouveler un mythe bien connu. Il nous évite ainsi la vision d'un énième drame ou se mélange les visage de John Barrymore, Spencer Tracy ou Michael Cain (qui même s'il sont excellents n'en restent pas moins interchangeables) et fait de son Henry Jekyll un personnage à part, reconnaissable entre mille qui possède sa propre histoire, et ses propres visages.

Vous l'aurez compris, je conseille vivement Edge of Sanity à tout ceux qui s'intéressent à la nouvelle de Stevenson, qu'ils en aient vu d'autres adaptations ou non. Bien sûr, seule elle ne peut se suffire à elle-même, mais complêtée de la lecture du roman et/ou de la vision d'une adaptation plus classique, elle peut alors affirmer son originalité ! Elle n'est cependant pas à mettre devant tout les yeux et même à réserver à un public averti voire exclusivement adulte.


(petit détail intéressant, le film est produit par Harry Allan Towers et sa femme Maria Rohm qui ont tout deux fait parti de l'entourage proche de Jess Franco à la fin des années 60.)