11 avr. 2011

Les Mémoires d'Elizabeth Frankenstein

Roman de Théodore Roszak

Paru en 1995, et en 2007 pour la traduction française au Cherche Midi. 600 pages.

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Recueillie par la baronne Caroline Frankenstein, la jeune Elizabeth est introduite dans le monde secret des sorcières et initiée à l'alchimie, aux lois de la nature et à celles du corps humain. De son côté, Victor, fils légitime de la baronne ne jure que par la raison et le savoir : il prétend pouvoir créer une vie qui ne naitrait pas du corps de la femme, mais de la science. Ces deux natures contradictoires vont se confronter et se mêler jusqu'à l'accomplissement de l'oeuvre, qui voit la funèbre consécration du prométhée moderne.

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Merveilleuse plume que celle de Theodore Roszak, historien et professeur à l'université de Californie, mais surtout romancier et essayiste hors pair. Le Diable et Daniel Silverman était déjà un remarquable huis clos doublé d'un discours à la fois subtil, brutal et satyrique, multi-référenciel et angoissant au possible.

Ce que l'on peut dire en premier lieu des Mémoires d'Elizabeth Frankenstein, c'est qu'il le surpasse grandement. En tout point, ce roman est un chef-d'oeuvre, et probablement la pièce maîtresse de la bibliographie de Roszak !


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Lorsque Frankenstein ou le Prométhée Moderne parait en 1818, personne ne veut croire qu'il est l'oeuvre d'une femme, et pourtant, c'est bien Mary Shelley qui se trouve derrière ce conte macabre et philosophique, chose dont peu se sont rappelé jusque là dans leur traitement du mythe, que ce soit au cinéma ou en littérature. Il faut dire que dans son roman, Mary Shelley ne laisse la parole qu'aux hommes, ne laissant Elizabeth s'exprimer qu'à travers quelques lettres (ce que souligne Roszak au début du roman). Pourtant, il demeure que l'auteure se serait prise pour modèle en imaginant le personnage d'Elizabeth, et voila qui donne à penser qu'il y a bien des choses à découvrir sur l'énigmatique "fiancée de Frankenstein".


Donnant ainsi la parole tantôt à Elizabeth, tantôt à Walton (l'homme ayant recueilli les confessions de Victor Frankenstein) qui commente le journal, Roszak s'applique à nous livrer toute l'histoire et même un peu plus, depuis l'enfance d'Elizabeth, jusqu'à sa tragique nuit de Noce, du point de vue de la jeune femme.

L'idée de base est alléchante, mais s'arrêter là aurait été frustrant, et on peut compter sur Roszak pour l'enrichir, d'une histoire parallèle mélant alchimie, spiritualité et féminisme, qui utilise avec brio les bases posées par Mary Shelley et qui perpétue les grandes traditions romantiques. Ainsi les personnalités d'Elizabeth et de Victor sont explorées, dévoilées jusque dans leur plus profonde intimité, pour délivrer une oeuvre d'une puissance bouleversante.


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Jusqu'au boutiste et sans concession, mais aussi tendre et d'une inventivité sans limite, d'une profondeur terrifiante et d'une sincérité désarmante, ces mémoires d'Elizabeth Frankenstein sont probablement le plus bel hommage que l'on pouvait rendre à Mary Shelley.

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