4 févr. 2009

Vampyros Lesbos

Réalisé par Jess Franco en 1971.

Avec Soledad Miranda, Paul Muller, Eva Stromberg, Dennis Price...
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Linda Westinghouse est à Istanbul avec son fiancé, elle doit se rendre à la demeurre Carody pour percevoir l'héritage d'un certain Comte Dracula dont elle et la Comtesse Nadine Carody sont les seules bénéficiaires. Arrivée sur les lieux elle fait la connaissance de l'envoutante comtesse... Linda sera retrouvé plus tard par son fiancée dans un asile dirigé par le Dr Seward, qui sait très bien de quel mal souffre la jeune femme.

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Le début des années 70 est le théâtre des expériences les plus "pop art" de Jess Franco, après avoir signé un passable Dracula produit par Harry Allan Towers, le réalisateur espagnol revoit sa version du mythe en y ajoutant les quelques éléments de Carmilla. Le pitch de départ évoque immanquablement The Vampire Lovers réalisé par Roy Ward Baker et sorti l'année précédente, mais la conception "francienne" du vampire n'a rien à voir avec la créature gothique évoluant au XIXème siècle qui fit les beaux jours de la Hammer et Vampyros Lesbos se révèle être un véritable essaie filmique, psychédélique et étonnant.

Je dois l'avouer, encore une fois, Jess Franco est un réalisateur pour lequel j'ai une grande affection, (et ne riez pas comme ça, cet homme ne compte pas que l'abîme des morts-vivants dans sa filmographie -_-) il a toujours produit un cinéma à contre courant tout en sachant s'entourer d'acteurs (Christopher Lee, Howard Vernon, Maria Rhom, Soledad Miranda, Klaus Kinski, Jack Palance, Herbert Lom...) et de compositeurs (Bruno Nicolaï, Daniel White...) brillants, et si l'on me demande quelle période de son cinéma je préfère, après un loooong temps de réflexion, je répondrais à coups sûr que c'est celle qui s'étale de 1969 à 1973. Certes cette péridoe prolixe n'est pas sans compter quelques nanards ou essaies soporifiques, mais sur la vingtaine de films qui naquirent en 4 ans (il y en eu certainement plus mais on peut difficilement tous les retenir), on peut au moins citer quelques chef-d'oeuvres tels Necronomicon, Les Cauchemars naissent la Nuit, Christina (une vierge chez les morts vivants), Eugénie de Sade et le plus connu, le célèbre film scandale, amputé de près d'une demie heure en Espagne j'ai nommé Vampyros Lesbos !

Dès la première image, le film traine une ambiance lente et onirique, qui sent bon d'ici la cigarette et le grand marnier, les sons sont feutrés, les couleurs voyantes et variées et les images semblent nous apparaitre au travers d'un voile de brume à la fois glaciale et chaude, l'introduction fievreuses prend forme après un rapide tours des lieux et on assiste à un splendide numéro de cabaret de Soledad Miranda qui donne progressivement vie à un mainequin sur scène en le recouvrant de ses vêtements. La scène lourde de sous entendus reste l'une des plus belles et des plus emblématiques du cinéma de Franco. Après avoir longuement embrassé son reflet, la vampire Soledad enlasse le mainequin qui fait de même. Le tout sur une musique alliant jazz et mélodie de boite à musique forme un spectacle unique.

Le reste du film se déroule sur la même lancée et nous fait vivre un véritable rêve éveillé. La vampire de Franco n'a rien du personnage gothique pris au piège de son état, Nadine Carody est une belle jeune femme, qui certes nourrit une haine féroce des hommes mais ne souffre pas tant que ça de son statut de créature de la nuit. D'ailleurs en parlant de nuit, il faut souligner que la majeure partie du film se déroule de jours ce qui ne dérange en aucun cas notre vampire, Franco va même pousser le paradoxe jusqu'à faire prendre à nadine un bain de soleil. Il n'est pas tant question de sang ici que d'obsession, certes la vampire absorbe le sang de ses victimes, mais l'acte n'est pas au centre de ses préocupations et Franco préfère s'intéresser à l'obsession que suscite la vampire chez sa victime, ainsi, on se rapproche ici du Carmilla de Lefanu qui voit au final l'héroïne songer au retour de Carmilla.

Les images quasi subliminales et les plans séquences s'enchainent sans entamer l'intérêt du spectateur qui se retrouve vampirisé véritablement par l'oeuvre qui prend forme devant ses yeux. Franco, en référence sans doute à Murnau, associe au vampire un bestiaire choisit, Murnau nous montrait un polype et une drosera, Franco nous montre un scorpion symbolisant le vampire et un petit papillon blanc pris dans un filet, symbolisant sa victime. Au final si le scorpion, filmé dans l'eau se retrouve sur le dos, mort du vampire et libération de Linda, le papillon disparait, comme si Linda, avec la disparition de Nadine ne représentait plus rien pour elle-même...en se sauvant elle-même, elle perd sa raison de vivre ; paradoxe francien que l'on retrouvera très souvent par la suite (La comtesse noire, Doriana Grey, Vampire Blues, Le miroir Obscène...), la victime vit par ce qui la tue.

L'ombre de Dracula plane vaguement sur le métrage, il est souvent évoqué par Nadine qui voit en lui son sauveur, le seul homme bon sur terre, ou par la présence d'un Renfield au féminin, parti pris intéressant de la part de Franco qui inclut dans son film le Dr Seward qui ne veut finalement qu'une chose, obtenir la vie éternelle ("I want to be one of you !" criera-t-il lors de sa confrontation avec la comtesse). Les hommes ne tiennent pas une grande place dans le film, c'est vrai qu'ils sont un peu tous pourris finalement...


Au final, Vampyros Lesbos reste non seulement une oeuvre majeure et réussie de Jess Franco, mais une pièce essentielle au cinéma vampirique qui voit le mythe décliné d'une façon intelligente et intéressante. Précurseur de Lynch, Franco réalise un bijou psychédélique à voir absolument, un quasi chef-d'oeuvre, ce qui s'est malheureusement fait rare dans la filmographie de l'homme aux 180 films !

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