27 févr. 2009

Duel en Enfer ; Sherlock Holmes contre Jack l'Eventreur

Roman de Bob Garcia publié en 2009 aux éditions du Rocher (442 pages)

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Londres, été 1888. Sous une chaleur suffocante, la ville est saisie d'horreur par les premiers meurtres de celui qu'on surnommera bientôt "Jack l'Eventreur". Mais que fait donc à cette époque le célèbre Sherlock Holmes ? Pourquoi aucune de ses enquêtes ne mentionne-t-elle la plus fameuse affaire criminelle qu'ait connu l'Angleterre de son temps ?

C'est ce que va découvrir Georges Newnes, l'éditeur du Docteur Watson, lorsque ce dernier, bien des années plus tard, lui confie le journal de l'enquête qu'il mena aux côtés de Holmes sur l'insaisissable tueur en série, non sans l'avertir : Toutes les histoires ne sont pas bonnes à raconter...On invoque pas sans risque la mémoire de Jack l'Eventreur.

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Spécialiste d'Hergé et de Tintin, Bob Garcia est déjà l'auteur du Testament de Sherlock Holmes (2005) que je n'ai malheureusement pas lu. Je n'ai pas besoin de préciser que ce n'est pas la première fois, dans la littérature ou au cinéma, que Sherlock Holmes est confronté à jack l'éventreur. Les tentatives se révèlent en général fructueuses (A Study in Terror, Murder By Decree...) mais trahissent le personnage de Conan Doyle, qui apparait souvent comme une sorte de justicier...Si Murder By Decree est le film qui s'en sort le mieux sur ce plan, au niveau littéraire, Duel en enfer réussit le pari à merveille...reste à savoir si le récit dans son intégralité est aussi réussit...
Première constatation à la lecture du roman, le personnage central n'est plus réellement Holmes, qui reste énigmatique tout au long du récit, mais Watson, qui à travers ce compte rendu d'enquête qui relève plus du journal intime nous révèle ses pensées, ses angoisses, ses doutes sur son couple et sur la pauvre Mary (très malade au moment du récit) et nous fait part de ses cauchemars et de ses souvenirs d'Afganistan (nous avons droit sur ce point à un adroite révélation qui se révèle être l'un des points fort du livre). Rarement la psychologie de "ce bon docteur Watson" n'aura été exploré aussi profondément.
Holmes quant à lui ne manque pas de piquant, Garcia parvient à recréer le personnage avec une exactitude effarante et nous gratifie d'un festival de bons mots si holmesiens qu'à la lecture on en oublie qu'il ne s'agit pas là d'un roman de Conan Doyle, mais bien d'un livre paru cette année.
Là où le bât blesse, c'est au niveau de l'histoire elle-même, de la trame et de sa construction. S'il est fort intéressant sur le fond, le journal de Watson est clairement répétitif, par trois fois au moins, nous suivrons Watson dans une escapade nocturne qu'il décrit comme réelle et qui se révèle au final ne tenir que du rêve, et à chaque fois, j'ai eu l'mpression de relire le même passage...cent pages plus loin...
Mais finalement, Duel en Enfer s'en tire avec humour, et se permet un petit clin d'oeil ironique à toutes les hypothèses émises sur l'identité de Jack l'éventreur, en gratifiant lestrade de discours désopilants et offre enfin (mais seulement à la fin, heureusement) la possibilité à Sherlock Holmes ET à Jack the Ripper d'apparaitre plus humains qu'il ne l'ont jamais été.

26 févr. 2009

The Seven Per Cent Solution (Sherlock Holmes attaque l'Orient-Express)

Réalisé par Herbert Ross en 1976, d'après le Roman de Nicholas Meyer "La Solution à Sept Pourcent".
Avec Nicol Williamson, Robert Duvall, Alan Arkin, Vanessa Redgrave, Laurence Olivier, Charles Gray, Samantha Eggar, Regine...

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En 1891, Sherlock Holmes a mystérieusement disparu...Rongé par la cocaïne, il reste cloitré au 221b Baker Street, n'ayant plus qu'un nom à la bouche : Moriarty, soi-disant génie du crime qui veut l'anéantir. Pour remédier à ce mal, Watson et Mycroft, décident d'amener à son insu, Sherlock à consulter le Dr Freud à Viennes...Une fois délivré de l'emprise de la drogue, Holmes va faire une drôle de découverte sur l'homme qu'il pensait être son énemi juré.

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Les années 70-80 ont vu fleurir bon nombre de pastiches et de métrages, mettant en scène Sherlock Holmes, tout en étant radicalement éloignés des canons Holmesiens. Alors qu'Universal se prépare au grand retour de Dracula (qui se fera en 1979 avec Frank Langela et Laurence Olivier), la firme décide parallèlement d'offrir à Sherlock Holmes un sacré dépoussiérage, en adaptant le roman de Nicholas Meyer, The Seven Per Cent Solution. Nicholas Meyer est connu pour ses romans innovants, pastichant, confrontant les grands mythes de la littérature britannique, et si son roman est assurément un hommage au personnage de Conan Doyle il n'en est pas pour autant une parodie et si l'humour holmesiens est présent, à aucun moment le livre n'est véritablement drôle, peut-être glauque parfois, mais surtout remarquablement audacieux.

Le film Parvient très bien à retranscrire cette impression tantôt malsaine tantôt détachée, grace à une atmosphère fiévreuse, notamment lors des crises de manque de Holmes qui lui font revivre ses pires enquêtes, ainsi, Le serpent de The Spekled Band descend vers son oreillé, ou le chien des Baskerville bondit hors du placard, sans être grand guignol, The Seven Per cent Solution peut être réellement impressionnant. Bel exercice de mise en scène, le métrage est aussi doté d'une très belle musique de John Addison, inspirée des danses hongroises de Brahms, du meilleur effet lors des scènes de duels.

L'idée de départ a de quoi rebuter, faire de Holmes un cocaïnoman incapable de faire la différence entre la réalité et ses délires semble un peu tirée par les cheveux, mais Nicholas Meyer dans son roman se livre à une véritable psychanalyse du personnage, et par le biai du Dr Freud nous livre les raisons plausibles de la haine de Holmes pour un Moriarty qui au final n'est qu'un simple précepteur de mathématiques. On se voit proposer aussi une bien triste et noire explication à la méfiance de Holmes envers les femmes. Chaque rebondissement est tout à fait astucieux et tout l'univers créé par Doyle se retrouve dans le film : Tobby le St Hubert au flair exceptionnel, Mycroft (formidable Charles Gray) qui pour une fois quitte son club ! Mary (qui normalement devrait être clouée au lit, mais passons)...Ne manquent à l'appel que Lestrade et le jeune Wiggins, qui après tout n'ont pas leur place ici...


Le film se paye un excellent casting, Robert Duvall en tête, dans le rôle difficile de Watson, qui pour une fois ne passe pas pour vieux crétin (comme dans les films de Roy William Neil) mais retrouve la dignité, le courage, et surtout l'âge du narrateur ! Nicol Williamson, investit dans le rôle de Holmes fait oublier son physique pour le moins éloigné de l'idée que l'on se fait du personnage, pour paraitre aussi sincère que possible dans une interprétation qui pour moi préfigure celle de Jeremy Brett quelques dix ans plus tard. Alan Arkin fait un Sigmund Freud très convaincant et Vanessa Redgrave une superbe Lola Devereaux qui saura au final amadouer le coeur du détective.

Film rythmé et sans temps mort, Sherlock Holmes attaque l'Orient-Express est aussi divertissant qu'intéligent. Surclassant aisément le très fade "La Vie Privée de Sherlock Holmes" réalisé six ans auparavant et plaçant la barre très haut pour les films à venir (Le Secret de la Piramide et Without a Clue auront bien su relever le défi), il reste aujourd'hui l'un des meilleurs films mettant en scène le grand détective, qui n'en ressort que grandit: peu de films apportent autant à l'oeuvre dont ils sont issus. S'achevant sur une note ironique délicieuse (Spoiler !"Je prend des vacances Watson, vous n'aurez qu'à dire à vos lecteurs que j'ai été...assassiné par mon précepteur...de toute façon ils ne vous croirons pas !"), The Seven Per Cent Solution offre en un film tout l'univers du détective ainsi qu'une brillante reflexion sur les hypothétiques étapes qui ont construit un tel personnage.

24 févr. 2009

Le Fantôme de l'Opéra (1962)

Réalisé par Terence Fisher.
Avec : Herbert Lom, Edouard De Souza, Mickael Gough, Heather Sears...
Musique de Edwin Astley.


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Alors qu'on se prépare à la première de Jeanne d'Arc, la cantatrice, Maria Sorelli assure avoir vu un fantôme. Les phénomènes étranges se multiplient et l'opéra se transforme en cauchemar lorsque le corps du chef machiniste déchire la toile du décor, pendu à un cable. C'en est trop pour la Sorelli. Privée de Star, l'opéra organise un casting et c'est la jeune Christine Charles qui est retenue...et qui en plus d'attirer l'attention de son producteur...attire l'attention d'un mystérieux individu qui vit sous l'opéra.

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La Hammer, est en grande partie célèbre pour avoir réactualisé les grands mythes de la littérature gothique, Dracula, Franckenstein, Jekyll, le loup-garou, la Momie etc. Il n'est donc pas étonnant de voir apparaître au palmarès de la firme, et qui plus est dans la filmographie du grand Terence Fisher, une adaptation du superbe roman de Gaston Leroux ; Le Fantôme de l'Opéra. Ce qui est plus étonnant en revanche c'est que le film ait rencontré un insuccès total et fut, pour la Hammer un véritable gouffre financier et un echec critique.

Anthony Hinds, brillant scénariste s'éloigne du roman original pour emprunter à la version Universal de 1943 (à noter qu'Universal co-produit cette nouvelle version, comme elle le fera avec L'Empreinte de Frankenstein en 1964) son postulat de départ à savoir que le fantôme ets ici un compositeur déchu, à qui l'oeuvre a été dérobé et qui aurait fini défiguré en voulant récupérer son travail.




Si au niveau des acteurs, Lom apparaît comme un choix étrange en Fantôme, il livre tout de même un partition bouleversante, pour ce personnage touchant, avide de vengeance et furieux contre lui-même de s'être laissé trompé. Tout chez Lom passe par le corps, ses gestes hurlent sa trop longue solitude, le fantôme est ici un rôle très peu dialogué mais d'autant plus imagé. Edouard De Souza est un parfait jeune premier pour le rôle de Harry Hunter, le Raoul de Chagny de cette version, personnage intègre et fondamentalement bon. Quant à Michael Gough, qu'on empêchera plus de cabotiner, il s'investi à merveille dans son rôle de salaud. Seule Heather Sears qui semble jouer son rôle avec trop de réserve, peut paraître un peu en deçà du lot, mais elle reste une Christine ravissante à la voix enchanteresse.

Le point le plus déroutant de cette adaptation vient certainement de son scénario, qui se focalise sur la vengeance du fantôme plus que sur son attirance pour Christine. Il veut avant tout faire de la jeune femme une grande chanteuse, pour qu'avant de mourir il puisse enfin entendre chanter son oeuvre comme il l'a voulu. Si l'histoire d'amour passe à la trappe, il n'empêche que le final du film pousse l'émotion à son paroxysme et hisse définitivement Le Fantôme de l'Opéra au rang des belles réussites du studio. Si l'amour est absent, c'est pour dénoncer aussi, ce pourquoi le fantôme se bat, Eric (ou le professeur Petrie dans le film) est un idéaliste, un naïf hypersensible, à son opposé, le personnage de Michael Gough (son producteur qui lui vole par la suite son oeuvre) a dans l'idée d'amener Christine dans son lit sans autre forme de désir que celui de posséder une jeune fille qu'il fait marcher. Ensuite le fantôme n'est plus si jeune, il traite Christine comme une perle rare, il ne la veut pas pour lui, il ne veut que son chant, et si elle est heureuse avec Harry/Raoul il l'accepte, il le dit lui-même "I'm dying already, it's my last wish, give me a week, and I'll make her sing !", entendre Christine chanter son oeuvre est déjà pour lui l'achèvement de toutes ses années de travail, il ne s'attend pas à plus. 

On notera aussi que cette fois, les interactions du fantôme avec l'extérieur sont très limitées. Les méfaits du fantôme sont de la main de son "serviteur", un autre personnage inadapté qui voue son existence à protéger le génie reclus dans les sous-sols de l'opéra. Si Fisher assagit son personnage en lui ôtant ses pulsions meurtrières, ce n'est pas pour en faire le gentil de service, le fantôme reste une créature déformée, incapable de se réhabiliter, et sa mort vient par celui qui l'a toujours servi, et qui bien sûr sans le vouloir, le sert encore une fois en le faisant échapper aux policiers, en le faisant disparaître alors qu'il atteint le firmament de la grâce...


On ne peut reprocher à Terence Fisher un manque de panache dans sa mise en scène, car comme à son habitude il livre avec tout son talent une habile révision du mythe, on ne peut pas imputer le mauvaise accueil fait au film à des décors moins beaux qu'à l'ordinaire, puisque comme toujours chez la Hammer, les couleurs chatoyantes le disputent à un agencement intimiste des lieux, à une somptueuse atmosphère gothique, qui se dégage de l'opéra de Londres. Du point de vue technique, tout participe à faire de Phantom of the Opera un nouveau chef-d'oeuvre.




Bel exemple de la production Hammer Film du début des années 60, le bide que connu ce Fantôme de l'Opéra reste un mystère. On note à l'époque une grosse déception critique, qui s'expliquent peut-être par les attentes d'un public habitué à des prouesses plus baroques de la part de Fisher. C'est oublier la tendance du réalisateur à verser dans le drame. Avec ce film, Terence Fisher a voulu approcher le monstre dans une optique plus mesurée, lui qui a privé la créature de Frankenstein de l'auréole whalesienne, lui préférant le baron, lui qui a bestialité le comte Dracula, il rend au fantôme une part importante d'humanité. En cela, il n'adapte certes pas Gaston Leroux, mais il le plie à la cohérence de son oeuvre, il se l'approprie, et avec quel talent !

18 févr. 2009

DOUTE


Un film de John Patrick Shanley.
Avec Meryl Streep, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams...
Musique composée par Howard Shore


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1964, une école catholique dans le Bronx. Soeur Aloysius, directrice de l'école catholique St Nicolas, a des doutes sérieux sur la moralité du père Flynn mais n'arrive pas à établir les preuves nécessaires à son renvoi. Quand soeur James, une soeur naïve, vient lui raconter un événement impliquant le père Flynn et un garçon de l'école, soeur Aloysius estime que ses soupçons sont confirmés. Elle part donc en guerre contre le prêtre, bien determinée à le demasquer. L'aumônier accusé va tenter de se disculper mais soeur Aloysius n'a pas dit son dernier mot. Le doute s'installe. Quelles en seront les conséquences ? Et si tout cela n'était qu'un malentendu ?


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Adaptation de la pièce que John patrick Stanley a lui-même écrite (jouée mainte fois à Broadway), Doute soulève bon nombre d'interrogation et si la pièce a par ailleurs démontré sa réussite sur scène on pouvait être sceptique quant à sa portée à l'écran. Le fait est que Doute, dans toute sa modestie se révèle être un parfait exercice de style et propose, en dehors d'un scénario sans faille, un grand numéro d'acteur.

Soeur Aloysius (Meryl Streep), véritable Mante religieuse promène son regard carnassier pour déceler les travers des élèves de l'école.



S'il est ensore necessaire de le dire, Meryl Streep et Philip Seymour Hoffman sont deux pointures du cinéma qui parviennent immanquablement à marquer les esprits à tel point que si le rôle a été joué par quelqu'un d'autre auparavant il est immédiatement oublié et on ne peut penser le personnage autrement qu'avec le visage de l'une ou de l'autre. Rien d'étonnant donc à ce que la redoutable Soeur Aloysius ne bouffe littéralement les personnages qui occupent son espace à l'écran, ou que la défense désespéré du père Flynn nous engage a prendre fait et cause pour un homme qui bénéficie fatalement du bénéfice du doute. A ces deux têtes d'affiches s'ajoute Amy Adams, dont le rôle touchant, se voulant médiateur mais alignant les maladresse ne manque pas d'émouvoir ou de faire sourire.

Si le casting sert admirablement l'histoire, l'histoire sert d'autant mieux le casting qu'elle se permet quelque trait d'ironie bien appropriés au personnalités à la fois des acteurs et des personnages sans que cela ne parasite le récit, au contraire, ces petites piques sont bienvenues et rappellent à merveille l'humanité des protagonistes (car il ne faudrait pas faire passer Meryl Streep dans ce film pour un monstre total), preuve en est que les trois acteurs ont su parfaitement s'approprier leur personnages.

Soeur James (Amy adams), convaincue de l'innocence du père Flynn.

Vous l'aurez compris, plus que de la pédophilie dans les écoles catholique, Doute, parle du doute...n'y voyez pas de transition ou de jeu de mot facil, mais le titre énigmatique du film en est aussi le thème et presque l'acteur principal. Le tout est mené de telle manière qu'aucune preuve et qu'aucune certitude, pas l'ombre d'un fait avéré ne viendra s'imiscer tout au long des deux heures de films. A aucun moment le scénario ne trahit un parti pris quel qu'il soit, ce qui permet au film au final d'atteindre le but depuis trop longtemps oublié d'une cinéma de la reflexion qui laisse au spectateur le choix du fin mot de l'histoire. En ce qui me concerne, le fait que Doute nous laisse dans le doute me va très bien, il aurait été dommage d'en venir à une conclusion classique lorsqu'il est si difficile et si bon d'obtenir un tel effet de frustration, ne reflechissez donc pas trop (^^).

A l'instar de Martyrs de Pascal Laugier Doute va au bout de son récit avec un acharnement et une virtuosité effrayante pour au final nous délivrer ce délicieux message : "Doutez".
Du grand cinéma qui sait utiliser tout son potentiel pour nous montrer que les monstres aussi s'inquiètent parfois lorsque les lumières s'éteignent et que le vent vers eux incline les branches fremissantes comme tant de doigts accusateurs.

8 févr. 2009

Morse



Un film de Thomas Alfredson. Sorti en 2009.
Avec Kare Hedebrant, Lina Leandersson, Per Ragnar, Peter Carlberg...


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Oskar est le souffre douleur d'une bande d'élèves de sa classe et rêve de se venger. Un soir alors qu'il est seul avec lui même dans la cour de son immeuble, la jeune fille qui a emménagé à côté de chez lui, Eli, vient le retrouver...Entre les deux enfants de 12 ans un réelle complicité nait. En parallèle des cadavres vidés de leur sang sont retrouvés un peu partout, et Oskar ne tarde pas à découvrir la vérité quant à la nature de son amie, qui a 12 ans depuis bien plus longtemps que lui...

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Voila donc le film qui s'est vu récompensé du Grand Prix du festival du film fantastique de Gerardmer dont le jury était présidé par Jaume Balaguero, et à raison d'ailleurs (le jury de Gerardmer semble avoir plus de gout que celui de Cannes quand on voit que Entre les Murs a tout raflé et que tout le monde est passé à côté de Valse avec Bachir...), puisque le film suédois adapté du roman Let The Right One In est une oeuvre à la fois étonnante et émouvante, qu'on attendait au tournant et qui a su avec brio répondre à toutes les attentes et bien plus !

En s'articulant autour d'une galerie de personnages peu communs, Morse tire son épingle du jeu des films de vampires convenus de ces dernières années où de belles lycéennes rêvent à de beaux lycéens (suivez mon regard...) en nous présentant un vilain petit canard blond de douze ans, une petite vampire épaulée par un vieux sérial killer légèrement dépressif et une bande d'amis poivrots à la quarantaine bien tassée. Ces personnages, qui mis à part nos héros sont tous plus ou moins destinés à mourir évoluent dans le climat suédois au fil de dialogues d'une simplicité ahurissante qui certes ne les rends pas attachants mais renforce la crudité du film qui commence, avant de nous montrer la mort par nous montrer la vie sans additifs ni artifices.

Après un démarrage en côté assez lent, Morse prend son envole et reste constant, les décors sont d'une froideur inalétérable, les scènes sanglantes terriblement réalistes et la bande son épatantes, voila pour ce qui est de la forme, du bon, sur toute la ligne.

Au pays de Morse les méchants sont les gentils et les gentils outre les méchants/gentils ne servent à rien, vous suivez ? Non effectivement c'est assez nébuleux, mais imaginez-vous un instant que c'est l'arrivée de cette vampire, qui rapelons le est une créature nocturne d'apparence humaine qui se nourrit de sang et donc qui vide sans pitié des êtres humains de leur sang pour subsister, qui va faire de notre petite Oskar un homme. C'est évidemment d'elle qu'il va tomber amoureux, mais au delà de ça, cette enfant sans âge est celle qui va l'extirper d'une vie morne et désespérante. Les adultes sont mis en retrait, ils restent totalement extérieurs à l'histoire qui se joue devant nous et si par malheur ils s'avisent de vouloir y jouer un rôle trop grand il finissent très mal. Les gentils dans la vie ici sont donc les méchants, ceux qui ne comprennent pas, ces villageois dans Frankenstein qui dévalent les rues armés de fourches et de torches, qui ici finalement ne parviendront jamais à leur fin.

Les moments mettant en scène les deux enfants sont bouleversants et le jeu des acteurs est bluffant de réalisme et de simplicité. La caméra toujours discrète n'en filme jamais trop, et fait de Morse à la fois un drame, un film d'horreur, et une étrange romance qui donne lieu à bien des réflexions.

Morse (qui tire son titre du moyen de communication des enfants d'un appartement à un autre) est donc une oeuvre à la fois cruelle, sensible, simple et belle, qui n'hésite jamais à faire couler le sang quand celui ci est nécessaire et qui à aucun moment ne nous laisse froid malgré les paysages enneigés et les éclairages blancs qu'il présente. Une histoire d'amour heureuse qui sans détours crétins ni lieux communs nous émeut et nous transporte...enfin heureuse...à vous de voir !

4 févr. 2009

Vampyros Lesbos

Réalisé par Jess Franco en 1971.

Avec Soledad Miranda, Paul Muller, Eva Stromberg, Dennis Price...
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Linda Westinghouse est à Istanbul avec son fiancé, elle doit se rendre à la demeurre Carody pour percevoir l'héritage d'un certain Comte Dracula dont elle et la Comtesse Nadine Carody sont les seules bénéficiaires. Arrivée sur les lieux elle fait la connaissance de l'envoutante comtesse... Linda sera retrouvé plus tard par son fiancée dans un asile dirigé par le Dr Seward, qui sait très bien de quel mal souffre la jeune femme.

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Le début des années 70 est le théâtre des expériences les plus "pop art" de Jess Franco, après avoir signé un passable Dracula produit par Harry Allan Towers, le réalisateur espagnol revoit sa version du mythe en y ajoutant les quelques éléments de Carmilla. Le pitch de départ évoque immanquablement The Vampire Lovers réalisé par Roy Ward Baker et sorti l'année précédente, mais la conception "francienne" du vampire n'a rien à voir avec la créature gothique évoluant au XIXème siècle qui fit les beaux jours de la Hammer et Vampyros Lesbos se révèle être un véritable essaie filmique, psychédélique et étonnant.

Je dois l'avouer, encore une fois, Jess Franco est un réalisateur pour lequel j'ai une grande affection, (et ne riez pas comme ça, cet homme ne compte pas que l'abîme des morts-vivants dans sa filmographie -_-) il a toujours produit un cinéma à contre courant tout en sachant s'entourer d'acteurs (Christopher Lee, Howard Vernon, Maria Rhom, Soledad Miranda, Klaus Kinski, Jack Palance, Herbert Lom...) et de compositeurs (Bruno Nicolaï, Daniel White...) brillants, et si l'on me demande quelle période de son cinéma je préfère, après un loooong temps de réflexion, je répondrais à coups sûr que c'est celle qui s'étale de 1969 à 1973. Certes cette péridoe prolixe n'est pas sans compter quelques nanards ou essaies soporifiques, mais sur la vingtaine de films qui naquirent en 4 ans (il y en eu certainement plus mais on peut difficilement tous les retenir), on peut au moins citer quelques chef-d'oeuvres tels Necronomicon, Les Cauchemars naissent la Nuit, Christina (une vierge chez les morts vivants), Eugénie de Sade et le plus connu, le célèbre film scandale, amputé de près d'une demie heure en Espagne j'ai nommé Vampyros Lesbos !

Dès la première image, le film traine une ambiance lente et onirique, qui sent bon d'ici la cigarette et le grand marnier, les sons sont feutrés, les couleurs voyantes et variées et les images semblent nous apparaitre au travers d'un voile de brume à la fois glaciale et chaude, l'introduction fievreuses prend forme après un rapide tours des lieux et on assiste à un splendide numéro de cabaret de Soledad Miranda qui donne progressivement vie à un mainequin sur scène en le recouvrant de ses vêtements. La scène lourde de sous entendus reste l'une des plus belles et des plus emblématiques du cinéma de Franco. Après avoir longuement embrassé son reflet, la vampire Soledad enlasse le mainequin qui fait de même. Le tout sur une musique alliant jazz et mélodie de boite à musique forme un spectacle unique.

Le reste du film se déroule sur la même lancée et nous fait vivre un véritable rêve éveillé. La vampire de Franco n'a rien du personnage gothique pris au piège de son état, Nadine Carody est une belle jeune femme, qui certes nourrit une haine féroce des hommes mais ne souffre pas tant que ça de son statut de créature de la nuit. D'ailleurs en parlant de nuit, il faut souligner que la majeure partie du film se déroule de jours ce qui ne dérange en aucun cas notre vampire, Franco va même pousser le paradoxe jusqu'à faire prendre à nadine un bain de soleil. Il n'est pas tant question de sang ici que d'obsession, certes la vampire absorbe le sang de ses victimes, mais l'acte n'est pas au centre de ses préocupations et Franco préfère s'intéresser à l'obsession que suscite la vampire chez sa victime, ainsi, on se rapproche ici du Carmilla de Lefanu qui voit au final l'héroïne songer au retour de Carmilla.

Les images quasi subliminales et les plans séquences s'enchainent sans entamer l'intérêt du spectateur qui se retrouve vampirisé véritablement par l'oeuvre qui prend forme devant ses yeux. Franco, en référence sans doute à Murnau, associe au vampire un bestiaire choisit, Murnau nous montrait un polype et une drosera, Franco nous montre un scorpion symbolisant le vampire et un petit papillon blanc pris dans un filet, symbolisant sa victime. Au final si le scorpion, filmé dans l'eau se retrouve sur le dos, mort du vampire et libération de Linda, le papillon disparait, comme si Linda, avec la disparition de Nadine ne représentait plus rien pour elle-même...en se sauvant elle-même, elle perd sa raison de vivre ; paradoxe francien que l'on retrouvera très souvent par la suite (La comtesse noire, Doriana Grey, Vampire Blues, Le miroir Obscène...), la victime vit par ce qui la tue.

L'ombre de Dracula plane vaguement sur le métrage, il est souvent évoqué par Nadine qui voit en lui son sauveur, le seul homme bon sur terre, ou par la présence d'un Renfield au féminin, parti pris intéressant de la part de Franco qui inclut dans son film le Dr Seward qui ne veut finalement qu'une chose, obtenir la vie éternelle ("I want to be one of you !" criera-t-il lors de sa confrontation avec la comtesse). Les hommes ne tiennent pas une grande place dans le film, c'est vrai qu'ils sont un peu tous pourris finalement...


Au final, Vampyros Lesbos reste non seulement une oeuvre majeure et réussie de Jess Franco, mais une pièce essentielle au cinéma vampirique qui voit le mythe décliné d'une façon intelligente et intéressante. Précurseur de Lynch, Franco réalise un bijou psychédélique à voir absolument, un quasi chef-d'oeuvre, ce qui s'est malheureusement fait rare dans la filmographie de l'homme aux 180 films !

1 févr. 2009

Opera

Réalisé par Dario Argento en 1987.
Avec Daria Nicolodi, Coralina Cataldi tassoni, Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini...

Musique de Claudio Simonetti, Bill Wyman, Daniel Lanois, Brian et Roger Eno.

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Une jeune chanteuse d'opera se voit offrir la chance d'interpréter le rôle de Lady Macbeth dans le Macbeth de Verdi lorsque la cantatrice phare se fait renverser par une voiture. Néanmoins convaincu que la légande qui entoure cet opéra n'apporte que le malheur, elle accepte et devient la cible d'un admirateur psychopathe...qui se révèle être un homme dont elle a souvent rêvé dans son enfance.

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Le résumé d'Opera n'est pas sans évoquer Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, qu'Argento adaptera dix ans plus tard, à raison puisqu'il en est vaguement inspiré ; Argento modernise le mythe et se l'approprie pour réaliser ce qui reste pour moi l'une de ses plus belles réussites baroques à des kilomètres au dessus d'Il fantasma dell opera.

Dès l'introduction, Opera clame l'amour de l'art de son auteur qui rêve de mettre en scène un Opéra. Argento s'est vu à la même période refusé la mise en scène de Rigoletto de Verdi et se venge avec ce film, offrant du même coup sa vision personnelle du Macbeth de Verdi et du Fantôme de l'Opéra de Leroux.
Sur le fond comme sur la forme, Opera est un sans faute du maestro ; Une musique parfaite alternant inspiration classique et métal symphonique, des décors diablemant originaux sur scène ainsi qu'une esthétique ambitieuse et élégante font d'hors et déjà du film un plaisir visuel et auditif.

La beauté du métrage contenue dans ce seul plan d'ouverture.

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Au niveau du scénario, qui comme toujours chez Argento s'écarte au profit du délire esthétique, nous avons droit à quelques rebondissements virtuoses comme la magnifique attaque des corbeaux dans la grande salle de l'opéra. Opéra flirte légèrement avec le fantastique, avec les corbeaux justement, qui permettent aux personnages principaux de démasquer le coupable, mais aussi par son atmosphère onirique et la majesté de ses décors, notamment ceux mis en place sur la scène du théâtre pour le Macbeth qui se joue devant nous. La réussite technique est au rendez-vous et il semblerait presque que chaque meurtre a été conçu comme un poème visuelle avec tout le soin dont Argento est capable sans pour autant tomber dans la complaisance et nous infliger une avalanche d'hémoglobine gratuite (je pense notamment à la scène du meurtre de la costumière dans laquelle la pauvre Coralina Cataldi Tassoni se fait ouvrir la gorge par le tueur qui veut récupérer la gourmette qu'elle a avalé...).

Doté en plus d'un excellent casting ("Dariaaa..." Pense immédiatement Dario ^^), Opera est une perle bien trop sous-estimée par les fans du réalisateur italien qui y voient le début du déclin. Pour moi il réunit tous les critères d'un chef-d'oeuvre by Dario Argento : Theme séduisant, musique envoutante (superbe thème principal de Claudio Simonetti), équilibre parfait entre la noblese de l'art lyrique et l'univers du meurtrier pervers...Opera s'il n'atteint pas les sommets de Suspiria ou d'Inferno se hisse aisément à la hauteur du superbe Syndrome de Stendhal réalisé en 1996 et qui ressemble d'ailleurs à une relecture d'Opera, dans le monde de la peinture cette fois.

Opera est donc, n'en déplaise à certains, une oeuvre majeure dans la filmographie de Dario Argento, une nouvelle et bluffante incursion dans son univers si personnel.