7 déc. 2008

Casanova

Réalisé par Frederico Felini en 1976.
Avec Donald Sutherland, Tina Aumont, Daniel Emilfork, Mary Marquet...
Librement inspiré des Mémoires de Giacomo Casanova.
Musique composée par Nino Rota.

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Felini nous offre avec Casanova un biopic génial, dublé d'un regard éclairé et froid sur la solitude d'un homme addulé et poursuivit par sa renommée.
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Le film de felini s'ouvre sur l'image stupéfiante de Casanova, ramant, bravant les éléments sur une mer constituée de sacs poubelles pour rejoindre sur une île une nonne, sur fond d'une fête en l'honneur de Venus dans les rue de Venise, ce qui constitue la première rencontre érotique et étrange du film.

La naissance du personnage est dans le film résumée en une élipse narrative qui nous dit qu'encore fort jeune, Giacomo Casanova s'est vu tomber amoureux d'une femme et ce sans espoir de retour.

L'histoire que Felini nous expose s'étale donc de l'évasion de Casanova de la prison des Plombs jusqu'à son extrème vieillesse : De l'âge d'or du personnage, jusqu'à ce qu'il sombre dans l'oublie et la quasi folie. Felini réinvente le mythe de Casanova pour en faire un véritable délire cinématographique, jubilatoire et coloré mais aussi une vision dépouillée de la déchéance d'un libertin malheureux dans un monde de dentelles et de pourritures qui sent d'ici le rance et le moisis, éclairé à moitié par des candélabres aux aux flames tremblotantes.

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Les frasques venitiennes ne nous sont proposées qu'en courts flash back, la sexualité felinienne ne se reconnaissant pas dans les délires puérils du grand séducteur italien. Felini a préféré s'attarder sur la folie des grandeurs du personnage et sur le désespoir que reflète ce besoin de séduire. On rencontrera donc succéssivement dans le film, une Marquise d'Urfé qui encaisse mal le poid des années, une géante de fête forraine, une bossue contorsionniste, jusqu'à cette pathétique scène de cour à une poupée mécanique. Le film est une véritable féérie d'un bout à l'autre : révélation d'un univers déjanté et non fresque historique au sens propre du terme, le film est mal reçu par le public qui quitte parfois la salle en plein milieu du film incapable de prendre en charge la déchéance du personnage et ne supportant pas la teinte glauque que prennent les évennements. Méprisé, détesté, Casanova reste néanmoins pour un public certes restreint mais néanmoins cinéphile, un enchantement visuel et philosophique ; un défi relevé du cinéma italien dans son plus bel âge.

Donald Sutherland, agé à l'époque de 42 ans, campe merveilleusement le personnage contradictoire, à la fois capricieux et désenchanté, pathétique et démesuré de Casanova et nous gratifie d'un jeu volontairement outrancier mais tout à fait approprié à ce tour de force ironique. Car l'ironie est à tout moment présente dans le film, une ironie qui à la fois rabaisse le personnage vis à vis de son entourage et le rend dérisoire et pittoyable pour le spectateur notamment lors de la dernière fête où Casanova se retrouve seul face à une horde de bourgeois sauvage parmi lesquels il ne peut même plus briller par sa conversation : personne ne l'écoute, personne ne le voit. Les temps changent et Casanova reste le même. C'est dans sa rencontre fortuite avec sa mère que réside le passage le plus troublant du film. S'instaure avec cette femme sarcastique un rapport étrange, une discussion annodine et surréaliste jusqu'au départ de la mère, sans au revoir ni adieu dans un carosse noir de deuil sur une étendue gelée.

D'un point de vue esthétique, Casanova est une splendeur véritable, le décor est à la démesure du personnage, comme ces énormes lustres qui doivent être déscendus pour être rallumés ou éteint, au milieu desquels seul se tient Giacomo Casanova--un géant déchu parmi ceux qui brillent encore-- Ou la démesure des orgues du Wurtemberg qui obligent les musiciens à monter sur des escabeaux pour jouer. Cette folie des grandeurs ne peut véritablement se rapprocher d'un film de Visconti, car on n'y retrouve à aucun moment ce soucis de réallisme (rappelons que Visconti est issu du néo-réallisme) mais au contraire une éxagération délirante là ou la démesure de Visconti réside dans ses personnages (Ludwig).

La dernière partie du film nous montre un Casanova vieillit, devenu bibliothécaire, au milieu de serviteurs triviaux qui voit, au milieu de cette lagune gelée, poindre puis disparaitre la Vénus de la fête et s'en aller avec elle musiques et rêves de grandeurs. Mort symbolique ou réelle du personnage qui avec ses anciennes conquêtes voit s'évaporer sa raison de vivre.



Cette débauche hallucinatoire, ce véritable "trip" érotique et tragique, surchargé et saturé fait à la fois du Casanova de Felini l'un des plus grands films qui soit mais aussi, et c'est peut-être le plus important, l'essence même du Baroque au cinéma, car c'est bien de cela qu'il s'agit, de baroque dans sa plus pure forme !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Excellente critique très cher! j'admire, et je constate que je prends tjrs autant de plaisir à te lire. J'envie ta présentation de page, skyrock c'est pas la meme! je sens que je devrais déménager ici... mais mes amis ne connaissent et ne jugent que par skyrock... superbe conclusion (je lai encore sous les yeux) ! Un film que j'ai vu en projo l'an dernier, comme quoi on ne voit pas que de la crotte en 1ere année! je me rappelle plus de ma note sur mon dossier du film par contre... à rechercher si je ne l'ai pas brulé au barbek cet été!