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14 mai 2013

Dario Argento's Dracula 3D


Réalisé par Dario Argento en 2012
Avec Asia Argento, Thomas Kretschman, Rutger Hauer...
Musique de Claudio Simonetti

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Les années 2000 n’ont pas été tendres avec Dario Argento : Si LE SANG DES INNOCENTS laissait espérer un retour en force du maestro dans le genre qu’il avait popularisé au début des années 70, le polar dépressif THE CARD PLAYER, le méta-giallo VOUS AIMEZ HITCHCOCK, et surtout le dernier volet de la trilogie des trois mères, MOTHER OF TEARS ainsi que le thriller mal nommé GIALLO, ont divisé les fans et consacré Argento « has been ». Ces deux derniers essais relevaient pourtant d’une volonté de retour aux fondamentaux, mais force est de constaté que déléguer aux  scénaristes Jace Anderson et Adam Gierasch la prolongation de son œuvre ésotérique était une très mauvaise idée (rappelons qu’ils sont derrière l’immonde MORTUARY de Tobe Hooper), et que mettre en scène leur vision erronée avec autant d’aplomb laissait planer le doute quant à la lucidité du réalisateur. GIALLO au contraire ne souffre pas tant de tares scénaristiques et visuelles, qui sont bien moins frappantes que celles de LA TERZA MADRE, que de son titre qui laisse espérer une synthèse du giallo alors que le film n’est qu’un thriller classique. Moins ambitieux, mieux appréhendé, GIALLO ressemble à l’œuvre d’un cinéaste débutant, encombré par un casting trop lourd (Emmanuelle Seigner, Adrien Brody…), peu concerné par l’histoire qu’il raconte, mais tentant du mieux qu’il peut de travailler une esthétique, une mise en scène et une atmosphère.

Dans cette mécanique du retour aux sources, Argento s’attaque à l’une des figures les plus emblématiques du cinéma fantastique : Dracula. S’il caressait depuis longtemps l’idée de réaliser un film de vampire, ce n’est qu’en 2010 qu’il s’attèle à la tâche, entamant un travail d’adaptation très personnelle du roman de Bram Stoker, ce qui laisse craindre le pire pour ceux qui n’ont pas encore avalé un FANTÔME DE L’OPERA qui ne trahissait pourtant pas tant que ça le roman de Leroux. Mais DRACULA ne se veut pas tant une adaptation du roman de Stoker, selon les dires du réalisateur qu’une révision nostalgique de l’histoire du vampire au cinéma. Encore faut-il que la vision qu’a Argento des films Universal ou Hammer soit la même que la nôtre… Visiblement ce n’est pas le cas.



Le DRACULA de Dario Argento évoque plus facilement celui de Jess Franco que celui de Terence Fisher, même si les écarts par rapport au roman sont pour la plupart empruntés à de nombreuses adaptations passées. Ainsi Jonathan Harker se rend au château de Dracula en tant que bibliothécaire comme dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA (1958), il y rencontre une jeune femme énigmatique qui se nomme Tania comme dans LES CICATRICES DE DRACULA (1970), et sa fiancée Mina est la réincarnation du grand amour perdu de Dracula, comme dans le DRACULA de Dan Curtis (1973) et celui de Francis Ford Coppola (1992). Au-delà de ces similitudes, le reste du métrage acquiert une certaine identité, peut-être par son dépouillement. Difficile en tout cas de reconnaitre Argento dans cette émanation vampirique bisseuse tout droit sortie des années 70. DRACULA n’est pas la perle gothique qu’on pouvait attendre d’un Argento désireux de revenir aux bases du cinéma fantastique, mais à tout du film en retard sur son temps. Ce retard, le réalisateur pensait peut-être le rattraper grâce à la 3D, qui toute immersive qu’elle soit n’en souligne pas moins des effets spéciaux à base d’image de synthèse inachevées, dont beaucoup relèvent de la faute de goût (une araignée en CGI ? En filmer une vraie n’aurait-il pas été plus facile ? Ou est-ce là l’araignée en plastique de studio 2.0 ?). La palme revient à une mante religieuse géante d’un vert criard, incrustée sans ménagement.



Cette entêtement à expérimenter toutes les techniques possibles vient gâcher le plaisir qu’on a à admirer le panache d’une mise en scène qui est bien celle d’un Argento soucieux d’adapter le récit vampirique aux canons de son cinéma. Autre constat malheureux, un casting totalement à côté de la plaque, qui parvient au moins à être homogène dans sa médiocrité, d’une Lucy qui refoule ses penchants homosexuels au grand dam du public sous le charme ambigu de la demoiselle (la Lucy en question étant bien entendu Asia Argento) à un Dracula sans envergue (Thomas Kretschman) dont le jeu fade et mal assuré rappelle l’effort plus convaincant tout de même de Louis Jourdan dans l’adaptation de Philip Saville (1977). Le seul à tirer son épingle du jeu est le toujours fringant Rutger Hauer dont le Van Helsing n’apparaît qu’après une bonne moitié du film (Argento ici exauce mon souhait de voir Rutger Hauer, que je considère comme un immense acteur, interpréter Van Helsing, comme Guy Ritchie avait exaucé celui de voir enfin Stephen Fry interpréter Mycroft Holmes). Tel le docteur Loomis dans HALLOWEEN 6 (1996), le spécialiste des vampires surprend Mina dans sa propre maison, pour lui dire qu’il peut l’aider. Oui l’aider, parce qu’à ce stade Lucy est morte, Jonathan n’est pas rentré, les loups hurlent et les villageois accrochent de l’ail partout, bref elle a bien des raisons de faire une dépression. En fin psychologue, Van Helsing veut lui faire subir un choc psychologique, pour qu’elle voit enfin la vie en rose et vienne dégommer le saigneur en chef avec lui, quoi de mieux pour se faire que d’aller cramer Lucy !



Le reste de la trame embraille sur le schéma classique, et inexplicablement DRACULA exerce sa fascination sur le spectateur comme son personnage centrale sur Mina. Force est de constater que dans sa naïveté, le film touche et parle au cœur de l’amateur de cinéma bis qui n’en peux plus des révisions aseptisées à base de triolisme asexué (Twilight). Dans sa plastique évoquée plus haut, il parvient à charmer aussi, les intérieurs étant bien souvent réduits à des murs de pierre décorés d’ail et de crucifix, et les extérieurs, mis à part un village filmé à la Herzog, se résument à une forêt dont l’obscurité en dehors du sentier relève d’une totale opacité. Cette Transylvanie selon Argento n’est pas sans évoquer les Alpes suisses de PHENOMENA que peuplaient déjà les essaims de mouches qui sont ici l’une des nombreuses formes que peu prendre Dracula. Dans sa simplicité et dans le resserrement de son intrigue à un lieu unique, la Transylvanie, avec ses territoires bien délimités  (le village, le château et la forêt qui les sépare) et son développement des seuls personnages véritablement nécessaires à l’intrigue (Jonathan, Mina, Lucy, Dracula, Van Helsing), DRACULA tient presque du schéma  de conte de fée.

Alors que le film s’est achevé sans véritable surprise, on en vient à se réjouir qu’on puisse voir en 2013 un film tel que celui-ci : au récit calqué sur les plus vieux codes du genre, mais au service duquel sont mises toutes les techniques modernes. Le résultat bâtard divise une fois de plus, et s’il prête parfois à rire, ce rire-là est plus franc, moins effaré, moins douloureux que celui qui accompagnât en son temps LA TERZA MADRE, la dernière réplique aidant, en brisant la solennité dont on pouvait croire le film empli, à mettre en avant le talent indéniable de Dario Argento pour amuser la galerie.

1 févr. 2009

Opera

Réalisé par Dario Argento en 1987.
Avec Daria Nicolodi, Coralina Cataldi tassoni, Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini...

Musique de Claudio Simonetti, Bill Wyman, Daniel Lanois, Brian et Roger Eno.

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Une jeune chanteuse d'opera se voit offrir la chance d'interpréter le rôle de Lady Macbeth dans le Macbeth de Verdi lorsque la cantatrice phare se fait renverser par une voiture. Néanmoins convaincu que la légande qui entoure cet opéra n'apporte que le malheur, elle accepte et devient la cible d'un admirateur psychopathe...qui se révèle être un homme dont elle a souvent rêvé dans son enfance.

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Le résumé d'Opera n'est pas sans évoquer Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, qu'Argento adaptera dix ans plus tard, à raison puisqu'il en est vaguement inspiré ; Argento modernise le mythe et se l'approprie pour réaliser ce qui reste pour moi l'une de ses plus belles réussites baroques à des kilomètres au dessus d'Il fantasma dell opera.

Dès l'introduction, Opera clame l'amour de l'art de son auteur qui rêve de mettre en scène un Opéra. Argento s'est vu à la même période refusé la mise en scène de Rigoletto de Verdi et se venge avec ce film, offrant du même coup sa vision personnelle du Macbeth de Verdi et du Fantôme de l'Opéra de Leroux.
Sur le fond comme sur la forme, Opera est un sans faute du maestro ; Une musique parfaite alternant inspiration classique et métal symphonique, des décors diablemant originaux sur scène ainsi qu'une esthétique ambitieuse et élégante font d'hors et déjà du film un plaisir visuel et auditif.

La beauté du métrage contenue dans ce seul plan d'ouverture.

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Au niveau du scénario, qui comme toujours chez Argento s'écarte au profit du délire esthétique, nous avons droit à quelques rebondissements virtuoses comme la magnifique attaque des corbeaux dans la grande salle de l'opéra. Opéra flirte légèrement avec le fantastique, avec les corbeaux justement, qui permettent aux personnages principaux de démasquer le coupable, mais aussi par son atmosphère onirique et la majesté de ses décors, notamment ceux mis en place sur la scène du théâtre pour le Macbeth qui se joue devant nous. La réussite technique est au rendez-vous et il semblerait presque que chaque meurtre a été conçu comme un poème visuelle avec tout le soin dont Argento est capable sans pour autant tomber dans la complaisance et nous infliger une avalanche d'hémoglobine gratuite (je pense notamment à la scène du meurtre de la costumière dans laquelle la pauvre Coralina Cataldi Tassoni se fait ouvrir la gorge par le tueur qui veut récupérer la gourmette qu'elle a avalé...).

Doté en plus d'un excellent casting ("Dariaaa..." Pense immédiatement Dario ^^), Opera est une perle bien trop sous-estimée par les fans du réalisateur italien qui y voient le début du déclin. Pour moi il réunit tous les critères d'un chef-d'oeuvre by Dario Argento : Theme séduisant, musique envoutante (superbe thème principal de Claudio Simonetti), équilibre parfait entre la noblese de l'art lyrique et l'univers du meurtrier pervers...Opera s'il n'atteint pas les sommets de Suspiria ou d'Inferno se hisse aisément à la hauteur du superbe Syndrome de Stendhal réalisé en 1996 et qui ressemble d'ailleurs à une relecture d'Opera, dans le monde de la peinture cette fois.

Opera est donc, n'en déplaise à certains, une oeuvre majeure dans la filmographie de Dario Argento, une nouvelle et bluffante incursion dans son univers si personnel.

4 janv. 2009

Dario Argento et le baroque assassin

Je ne ferai l'affront à personne ici de recopier bêtement la date et le lieu de naissance de ce grand monsieur du cinéma (né à Rome en 1940, fils de salvatore Argento et de Elda Luxardo ^_^) alors que vous serez capable de les trouver très facilement sur internet, mais il me paraît important en guise d'introduction d'éclairer un peu la filmographie de Dario Argento à ses débuts.

Le jeune Dario fait son entrée dans le milieu cinématographique par une petite porte qui se révèlera finalement être le portail d'une intéressante carrière ; il est d'abord embauché en tant que critique dans quelques quotidiens italiens et fait montre d'un grand talent d'écriture tout en exposant des opinions à contre courant et en dénonçant une censure trop présente à l'époque. prenant conscience de l'impact des écrits, il décide de devenir scénariste et cette expérience sera pour lui une veritable révélation. Si les premiers essais ne sont pas aussi virtuoses que ça (Une corde, un colt de Robert Hossein, ou La légion des damnés d'Umberto Lenzi) sa participation à l'écriture du monument inégalé Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone le propulse littéralement sur le devant de la scène.


1) La Quintessence du Giallo

Impossible lorsqu'on évoque le Giallo de ne pas évoquer en même temps le nom d'Argento et vice versa, lorsqu'on parle d'Argento, on ne peut occulter sa réussite dans le genre. Le Giallo (qui se traduit littéralement par "jaune") est à l'Italie ce que la Série Noire est à la France, mais il est malheureusement resté trop peu populaire dans nos contrées. L'un des réalisateurs les plus emblématiques à avoir transposé le Giallo au cinéma est sans conteste Mario Bava avec des titres aussi évocateurs que 6 femmes pour l'assassin ou La fille qui en savait trop, et Dario Argento se révèlera par la suite être son digne héritier (plus digne que le fiston Lamberto Bava). Argento se lance sur les traces de Bava en 1968 en mettant sur pied son premier giallo : L'Oiseau au plumage de cristal. Le film bénéficie d'un succès inattendu et, influencé par nombre de réalisteurs comme Sergio Leone, Mario bava, Frederico Felini, Michelangelo Antonioni et bien sûr Alfred Hitchcock, Argento se lance dans ce qui deviendra la fameuse Trilogie Animalière avec les deux films suivants, Le chat à neuf queues (1971) et Quatre mouches de velours gris (1972). Ces trois films ne sont pas sans évoquer les oeuvres du maître Bava, mais Argento se forge son propre style, très influencé par la peinture et la musique classique, ses films alternent prises de vues magnifiques et meurtres d'une violence exagérée et sont basés sur des scénarii bien souvent ironiques, où l'on retrouve son désir de mise en abîme, car tout dans ses films, comme au cinéma, n'est que mise en scène et décors, mensonges et ambigüité du jeux d'acteurs.


Après avoir délaissé le genre pour une tragicomédie sans intérêt véritable (Cinq jours de revolution), il revient à ses premières amours pour nous livrer son premier chef-d'oeuvre, pièce essentielle à son oeuvre : Profondo Rosso. Pour beaucoup, Profondo Rosso reste le giallo par excellence et surtout l'un des plus grands films de la carrière de Dario Argento avant que ne vienne planer l'ombre d'un chef-d'oeuvre encore plus grand. Profondo Rosso marque une étape dans la filmographie d'Argento, plus que jamais on sent l'influence de la peinture classique dans son travail et on notera de nombreuses références dont ma petite préférée ; deux personnages discutent dans la rue pendant la nuit et on peut voir en arrière plan, une situation qui reproduit exactement le Tableau Nighthawks d'Edward Hopper.


Du point de vue technique comme du point de vue scénaristique, Profondo Rosso est un véritable manège enchanté et cruel dont on ne ressort pas indemne.

En 1982, Argento revient avec un Giallo considéré par ses fans comme une tromperie, Tenebrae, qui pousse encore plus loin le côté artificiel. Argento dira plus tard considérer Tenebrae comme l'un de ses films les plus personnels, peut-être pour la raison sus-mentionnée. les films suivants ne tiendront plus réellement du Giallo, même si on en retrouve les éléments dans Opera (1987), dans le très très très décevant Trauma (1993), dans un nouveau et magistral Chef-d'oeuvre, Stendhal Syndrome (1996) et dans sa réactualisation de Profondo Rosso ; Le sang des innocents (2001). Ce dernier film se révèle d'ailleurs être un véritable giallo, mais malheureusement si les premières scènes sont innovantes et attrayantes, les similitudes avec Profondo Rosso et le manque d'ambition du tout n'en font pas une réussite excellente, un Argento correct du moins.


2) Le surnaturel ; l'insaisissable adjuvant.

S'il est un élément inévitable dans les films de Dario Argento, c'est évidemment le surnaturel. Même dans ses gialli on peut sentir une influence ésotérique, un goût prononcé de l'irrévélé qui plane sur les protagonistes (on peut penser par exemple à l'exploration de la vieille maison par Marco dans Profondo Rosso). La première incursion véritable d'Argento dans le fantastique fait date dans l'histoire du cinéma, puisqu'il s'agit du plus grand film de sa carrière, j'ai nommé Suspiria.



1977 a été de ce fait une grande année pour le réalisateur. Tandis que les cahiers du cinéma en étaient à le taxer de pornographie pour la complaisance avec laquelle étaient filmées les scènes de meurtres, une nouvelle génération de cinéphiles, accompagnée par celle, apparue vers 1958 qui admirait la Hammer porte Argento aux nues pour cette oeuvre flamboyante et poétique à l'esthétique très poussée. Le scénario est inspiré d'une histoire que la grand mère de Daria Nicolodi (la compagne d'Argento à l'époque) lui racontait. Le couple se met à l'écriture et il en ressort un superbe voyage initiatique, en effet pour la première fois, les personnages de l'histoire ne sont pas majeurs, il s'agit d'adolscentes qui évoluent dans un monde déjà cruel, celui de la danse. Baroque, Suspiria l'est sur tous les plans, et reste le film le plus emblématique de l'univers de Dario Argento.

Argento continue de fait sur sa lancée, Suspiria posait les bases de la légende des Trois Mères en nous montrant (ou plutôt en ne nous montrant pas) dans toute sa splendeur La Mater Suspiriorum et son domaine, La seconde mère à nous être présentée sera la belle et cruelle Mater Tenebrarum dans un film à la démesure du personnage ; Inferno (1981).

Inferno ne se regarde pas de manière passive, jamais le film ne s'ancre véritablement dans une trame narrative, il y est question de clés à trouver, qui mèneront jusqu'à la Mater Tenebrarum. Ce dédain pour la cohérence du récit, n'altère en rien les qualités du métrage qui reste une véritable réussite artistique et se hisse sans peine au niveau de Suspiria dans un délire gothique et coloré encore bien plus poussé ou des images oniriques de toute beauté le disputent à des meutres graphiquement très violents filmés avec maestria comme ce double meurtre perpétré dans un appartement alors qu'un tourne disque passe Nabucco de Verdi comme pour couvrir les cris. Argento avoura plus tard dans une interview qu'Inferno est probablement son film le plus pur et le plus sincère et que le réaliser l'a beaucoup fatigué ; c'est en effet l'impression que donne le film, on sent que le réalisateur y a mis une part importante de lui-même et peu en sont capables.

Argento, on le sait quittera un instant le surnaturel pour Tenebrae, giallo quelque peu délirant mais y reviendra très vite pour une petite perle que j'affectionne tout particulièrement ; Phenomena (1984)

Avec Phenomena, Argento revient à une thématique qu'il aime particulièrement, celle de l'enfance, comme dans Suspiria, nous suivons ici une jeune fille qui fait son entrée dans un penssionnat. Le surnaturel se fait plus discret mais encore très présent, ne serait-ce que dans l'ambiance et les éclairages irréels. Le surnaturel n'est plus ici un opposant comme il l'est dans Suspiria et Inferno, il n'est d'ailleurs plus personnalisé, point de Mater ici, mais une étonnante jeune fille, jouée par Jennifer Connelly qui peut parler aux insectes, joli non ? Pourtant, Phenomena sera considéré comme le début du déclin de la filmographie d'Argento, beaucoup lui trouve un caractère ridicule, Donald Pleasance lui même, qui joue dans le film le rôle d'un spécialiste des insectes, professeur bedonnant en fauteuil roulant et aidé par un chimpanzé, trouvera son rôle un brin grotesque en dépit de la poésie du scénario. Daria Nicolodi remplace Alida valli (Suspiria et Inferno) dans l'habituel rôle de la mégère complice du mal qui se trame et Argento signe une mise en scène millimétrée tout à son honneur.

Plus que jamais Argento baigne dans un ésotérisme discret et demande l'un de ses plus gros budgets pour une oeuvre qui lui tient très à coeur. Espérant un retour au baroque en grande pompe, tout le monde se met en branle pour permettre à Argento de réaliser Opera.

Opera ne sera malheureusement pas le succès escompté, à cause probablement d'un tournage mouvementé et d'un scénario maintes fois réécrit et aussi peut-être à l'absence de sa star, Vanessa Redgrave (aurait-elle senti le fiasco ?). Toujours est-il que le film n'en est pas pour autant un navet et on y retrouve comme toujours les influences qui ont construit le style d'Argento. Baroque, Opera l'est certainement et on y retrouve aussi le côté surnaturel discret de Phenomena, avec la présence et l'intervention des Corbeaux. Une belle réalisation qui ne convaincra malheureusement pas grand monde.

J'aurais tendance à dire qu'Opera est pourtant l'une des dernières réusistes baroques d'Argento puisque 1990 amorce le réel déclin avec des oeuvres aussi inintéressantes que Trauma, simili giallo matiné de thriller américain ou pire Card Player en 2004 totalement dénué d'intérêt. Les années 90 seront difficiles pour le réalisateurs jusqu'à maintenant on ne peut compter qu'un seul véritable coup d'éclat en 19 ans, un film qui heureusement rattrappe à lui seul le fiasco de ceux qui l'entourent ; Le Syndrome de Stendhal (1996) Après nous avoir exposé sa passion pour l'opéra, Argento nous emporte dans son monde pictural et y transpose la trame de ce thriller haletant et esthétiquement superbe. Le thème est traité avec maestria et les incursions du personnage principal (Asia Argento) dans les oeuvres qu'elle admire à s'en faire tourner la tête sont très bien rendues à l'écran. Pas réellement surnaturel, Stendhal Syndrome joue aussi sur le thème de la schysophrénie et du double, un chef-d'oeuvre de toute beauté.

Pas la peine de parler de son Fantôme de l'opéra, souvent qualifié de catastrophique et pourtant très attachant, qui surfe facilement avec le surnaturel. On notera néanmoins que Argento ne s'est jamais défait dans ses réalisations de sa passion pour les arts et de ses références littéraires.

En 2006, La Terza Madre achève les fans d'Argento qui s'attendent à un dernier volet de la trilogie des trois mères à la hauteurs des deux premiers. malheureusement, le film s'avère d'un mauvais goût terrible, et seule subsiste l'ironie...

3) Tout vient de l'enfance...

Comme je l'ai dit plus haut, l'enfance est une thématique très importante dans le cinéma d'Argento, elle est très souvent associée au surnaturel et des films comme Suspiria et Phenomena sont pour leur personnage principale de véritables voyages initiatiques. Dans Suspiria, Jessica Harper, lorsqu'elle arrive à l'école de danse n'est encore qu'une enfant, tout dans le film est là pour le rappeler, jusqu'aux poignées des portes placées à une hauteur conséquentes comme si l'héroïne était véritablement petite alors que ses 17 ans lui permettent de les atteindre sans encombre. Argento comparera cette image plus tard à la découverte de la chambre des parents par l'enfant, l'endroit lui est défendu et il doit se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée, il en est de même pour le repère de la Mater Suspiriorum. L'enfant est aussi présent physiquement que symboliquement, il est par exemple la cause du mal dans Phenomena, le Deus ex Machina ridicule dans Trauma, mais il est aussi celui qui ressurgit, souvent au mauvais moment, comme chez Anna Mani dans Stendhal Syndrome.

L'enfance peut aussi être le théâtre du trouble dont l'adulte ne se défera plus, comme pour le tueur dans Le sang des innocents, ou pour Eric dans Le fantôme de l'opéra. Argento établi une véritable toile freudienne à travers sa filmographie et place l'enfant en son centre, peut être comme juste avant Suspiria, l'arrivée de sa fille Asia avait placé un petit bout d'enfance au centre de sa vie.




12 oct. 2008

Il Fantasma dell'opera


Réalisé par Dario Argento.

Avec Asia Argento, Julian Sands, Andrea Di Stefano, Nadia Rinaldi et Coralina Cataldi Tassoni.

Musique composée par Ennio Morricone.

D'après le roman de Gaston Leroux.

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1877, Opéra Garnier, un mystérieux fantôme hante les sous-sols de l'opéra et tue tous ceuw qui s'y aventurent. Un soir, il entend chanter la jeune Christine Daae, et s'éprend passionnément de la jeune femme, s'en suit, on le sait, l'histoire tragique que tout le monde connait.

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Argento est, plus que jamais dans un les années 90 un cinéaste décrié, après deux décénies d'oeuvres magistrales et personnelles (Profondo Rosso, Suspiria, Infernio, Phénoména...), Argento ne sait plus vraiment dans quel sens tourner la page ; faut-il revenir à un cinéma onirique, proche de Suspiria ? Ou se couler dans le moule d'un cinéma plus populaire ? Le premièr essai marquant le début de cette décénie 90 sera le peu concluant TRAUMA (avec Asia Argento), demi ratage au accent de slasher américain, qu'on oublira vite. En 1996 Argento nous reviens en force avec son superbe Syndrome de Stendhal, nouveau chef-d'oeuvre qui laisse espérer le retour du maître...Mais hélas, lorsque Argento entreprend de réaliser une adaptation du Fantôme de l'Opéra, peu sont prêt à le suivre. En 1987, Argento a déjà réalisé un hommage officieux au fantôme de l'opéra avec son OPERA, oeuvre baroque qui n'a malheureusement pas fait l'unanimité, d'où la réticence des gens du métier.
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En 1998, sort sur les écrans donc cette version très personnelle du Fantôme de l'Opéra de Leroux et force est de contater que comme tous les films d'argento, celui là ne laisse personne indifférent. Contre toute attente, Argento n'adapte pas l'histoire à la sauce giallo, il choisit de garder l'essence de l'oeuvre de Leroux, mais lui donne un côté sombre encore plus appuyé, ses personnages comme toujours trainent dans leur sillage des travers inavouable si bien que les lieux, si connus de l'intrigues, en finissant par ressembler à leur occupant, nous parraissent totalement étrangers.

Ces décors ont comme toujours chez Argento fait l'objet d'un soin particulier et on remarquera, pour peu que l'on soit attentif une tonne de référence à la peinture, de Jerôme Bosh à Degas (que l'on croisera d'ailleurs au détour d'une répétition de ballet, en train de croquer les petites ballerines). Un seul reproche peut être fait à argento sur le plan des décors : Avoir voulu nous faire avaler que la grande salle était celle de l'opéra Garnier alros qu'il s'agit manifestement de celle de l'opéra de Budapest...



Quand je parlais des travers innavouables des personnages d'Argento, je ne faisait pas forcément référence à ceux du fantôme (même s'ils sont légions c'est terrible) ou à ceux de Christine (dont le seul travers et de ne pas savoir ce qu'elle veut) ni même à ceux de Raoul (qui est diablement transparent), mais bien de ceux de TOUS les autres personnages. Argento et son scénariste Gerard Brach (qui fut un temps le scénariste atitré de Roman Polanski) nous ont concocté une galerie de second rôles épouvantables et pourtant délicieusement rendus à l'écran par la caméra du maestro : La jeune bonne de Christine, jouée par l'excellente Carolina Cataldi Tassoni, qui fûme comme un pompier et jure comme un marin, La Carlotta, merveilleuse (façon de parler) Nadia Rinaldi en diva obèse et insupportable, à la fois la pire et la meilleure de toute l'histoire du fantôme de l'opéra, Deux producteurs pédophiles qui regardent les jeunes ballerines comme un chat regarde des filets de saumon, Une costumière et un machiniste qui passent leur temps à s'envoyer en l'air, et un chasseur de rat totalement décalé, positivement répugnant qui provoque le rire qui détend l'atmosphère...ou le haut le coeur qui allège l'estomac (humpf désolé c'était trop facile).

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L'évolution de cette galerie de personnage ne passe donc pas innaperçue et éclypse un peu l'histoire d'amour entre Christine, interprétée merveilleusement par la magnifique Asia Argento qui comme toujours se donne corps et âme, et le Fantôme, joué par un Julian sands qui m'évoque immanquablement une part de quiche affublée d'une cape... Cette histoire d'amour parlons en ! Ce qui choque dans la vision que se fait Argento de cette passion, ce n'est pas tant le nombre élevé de meutres sanglant et complaisament filmés, mais plutôt l'intrusion, du sexe mal venu, éternel banni de cette histoire sublime. En effet, si parler des travers du Fantôme selon Argento serait bien trop long, on peu néanmoins en lister deux : la zoophilie, et l'obsession de l'acte charnel...non pas que Julian Sands saute sur tout ce qui bouge, mais lorsqu'il emmène Christine dans son repère ça n'est pas pour lui faire chanter son Dom Juan Triomphant (musique totalement absente du métrage, dommage)...graveleux détour que prend là Argento qui nous avait habitué à des situations hautement plus rafinés et hautement plus majestueuse (rappelons qu'en 77 il fut taxé de pornographie pour Suspiria qui ne comportait aucune scène de sexe ni aucune allusion au sexe !).




Il Fantasma dell'Opera accumule les maladresses de ce genre, la pire de toute, considérée par certains comme une trahison, est la suivante : le fantôme n'est pas défiguré le moins de monde, et ne porte aucun masque (Argento aurait-il jugé que Julian Sands était assez moche pour jouer sans maquillage ?)...mais alors pourquoi se cache-t-il ?? Bah parce qu'il a été élevé par des rats pardis !!! (J'entend déjà Clélie hurler au scandale ^_^) Aaah ça explique donc les penchants zoophiles...à ce niveau là on se demande si le scénario n'a pas été écrit sous l'effet de l'alcool.

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Il est impardonnable de ma part de n'avoir pas rendu justice plus tôt à la superbe partition d'Ennio Morricone, qui arrive à rendre ce film très beau, même dans ses pires moments, avec ses long soupirs langoureux, ses cordes qui pleurent (le cinéaste fini ?) sur un final si pognant qu'on en vient à oublier les défaut les plus marquants de ce Fantôme de l'Opéra, qu'on se surprend à revoir une seconde, puis une troisième fois, pour en découvrir à chaque fois une qualité nouvelle...c'est ça aussi le cinéma d'Argento, comme c'est un peu ça aussi le Fantôme de l'Opéra

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Derrière tous ses défaut plus ou moins gros, reste qu'on décèle encore chez Argento cette volonté de s'approprier son thème, tant au niveau esthétique que psychologique. le film fut qualifier d'impersonnel lors de sa sortie, mais au contraire il constitue une pièce essentielle du cinéma d'Argento, puisqu'il apparait comme une oeuvre très personnelle qui fait écho à nombre de films de la filmographie du réalisateur (notamment Opera, Inferno et le récent la Terza Madre). Bref, Il s'agit peut-être là du chant du cygne d'un grand monsieur du cinéma, en attendant son prochain, "Giallo" qui nous démontrera peut-être qui sait, que Dario Argento n'est pas mort !