26 juin 2012

Dracula et les Femmes



Réalisé par Freddie Francis en 1968.
Avec Christopher Lee, Rupert Davies, Veronica Carlson, Barbara Ewig, Michael Ripper...
Scénario de John Elder
Musique composée par James Bernard.
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Voila plus d'un an que Dracula a péri dans les eaux qui entourent son château, mais à Keinenberg, les villageois vivent dans la terreur du vampire. Monseigneur Muller, voulant rassurant les habitants et mettre fin aux superstitions s'en va sceller le portail du château de Dracula avec un énorme crucifix...
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Réalisé deux ans après Prince of Darkness, Dracula has risen from the Grave est l'oeuvre de Freddie Francis, admirable directeur de la photographie (on lui doit celle d'Elephant Man de David Lynch et des Innocents de Jack Clayton), qui s'est déjà trouvé derrière la caméra pour Evil of Frankenstein. Ce n'est donc pas la première fois que l'homme prend la succession de Terence Fisher et se démarque par un style tout à fait différent. A ce titre, Dracula et les femmes est "l'épisode" qui bénéficie sans conteste du meilleur traitement esthétique. Le générique sur fond d'images abstraites qui évoquent des artères gorgées de sang annonce une nouvelle approche plus frontale du mythe. A chaque apparition du comte Dracula, Francis nimbe les bords de l'image de filtres rouges ou ambrés, et l'image très contrastée donne aux toits du villages (sur lesquels se déroulent quelques scènes clés) des airs de sortir d'un film expressionniste. Cette nouvelle approche visuelle est sans doute l'apport le plus important de Freddie Francis à la saga. D'un autre côté, l'aspect du château de Dracula et du paysage qui l'environne est très éloigné de ce à quoi on s'attendait. le film ayant été tourné au Studio d'Elstree, et non au studio de Bray comme les précédents, il présente un décors différent et le chemin qui mène au château, comme le portail n'évoquent pas du tout l'image que l'on en gardait à la fin de Prince of Darkness. Ces changements n'ont rien de très déstabilisants et l'escarpement sur lequel trône le château (dont on ne verra jamais l'aspect intérieur) relève plus de la description stokerienne que les versions précédentes.

Le traitement scénaristique requiert plus d'indulgence. Maladroitement relié à la fin de Prince of Darkness, via l'évocation du vampire prisonnier de la glace, Dracula has risen from the grave s'ouvre sur l'illustration des méfaits du comte avant qu'il ne soit provisoirement mis hors d'état de nuire. Le Comte Dracula, maître de l'irrévérence cachait apparemment le cadavre de ses victimes dans les cloches des églises. La séquence, bien que sans répercutions sur l'histoire, se révèle efficace et annonce une violence graphique beaucoup plus importante que dans les précédentes variations. La résurrection du comte par contre est beaucoup moins crédible. Dans son périple vers le château, Monseigneur Muller embarque un prêtre désabusé qui épuisé reste à l'arrière, et, déstabilisé par un orage soudain (Monseigneur vient de sceller les portes du château en prononçant une prière d'exorcisme, ce qui déchaîne les éléments), se casse la figure sur les rochers, son sang s'écoule alors vers une rivière gelée au fond de laquelle repose Dracula depuis un an, la glace se brise et le sang atteint bien évidemment les lèvres du vampire, oups! Dès cet instant le prêtre devient le serviteur du comte.

Comme toujours, on retrouve un couple central, dont l'amour sera l'arme la plus forte, ici incarné par Veronica Carlson (Maria, la nièce de Monseigneur) et Barry Andrews (Paul, l'apprenti boulanger). Souhaitant s'adresser à un public plus "frais", Francis fait de Maria et Paul l'incarnation de la jeunesse, ainsi que l'association de deux milieux radicalement opposés : Maria, issue d'un environnement petit bourgeois et très catholique, soupire après Paul, étudiant prolétaire et athée qui travail au café pour payer ses études. Une mise en scène des classes sociales, simpliste mais jusque là inédite. Si Dracula est l'incarnation d'une noblesse préhistorique, on pourrait voir la victoire finale de Paul comme le renversement de la "rulling class" par la classe ouvrière. Simpliste et finalement peu crédible, Dracula et les femmes est déservit par son manque d'ambition. La musique composée par James Bernard est ici moins subtile que le score qu'il avait écrit pour Dracula prince of Darkness, mais comme toujours, un morceau sort du lot, et il s'agit ici de The Cross, qui illustre le grand final du film, et qui sonne comme une réponse au Funeral in Carpathia qui ouvrait le film précédent.



Esthétiquement splendide, Dracula et les femmes est pourtant un film en demi teinte, qui aurait gagné à développer son discours autant que la bleuette entre Paul et Maria qui prend beaucoup trop de place entre chaque apparition du vampire. On pourra noter que le scénario de John Elder répète le schéma habituelle avec les jeunes femmes : comme précédemment, Dracula vampirise la jolie rousse, pour s'approcher de la jolie blonde. Un manège que l'on retrouvera dans Une Messe pour Dracula, de Peter Sasdy, suite directe du film de Freddie Francis et dans lequel Anthony Hinds aura la bonne idée de ramener le comte en Angleterre, et ainsi de le rattacher au gothique qui lui fait ici défaut.



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