Réalisé par Cary Fukunaga en 2011
D'après le roman de Charlotte Brontë
Avec Mia Wasikowska, Michael Fassbender, Judi Dench, Jamie Bell, Sallie Hawkins, Sophie Ward...
***
Il est de ces romans qui connaissent des adaptations cinématographiques à intervalle régulier. Parmi eux, Jane Eyre de Charlotte Brontë n’a jamais été le mieux servit, étant resté à tort dans l’ombre de son cadet, Wuthering Heights d’Emily Brontë. Parmi la quinzaine de films inspirés de cette histoire aux accents gothiques, celui qui venait le plus souvent à l’esprit était celui de Franco Zeffirelli (1996) avec Charlotte Gainsbourg et William Hurt. Il faudra désormais compter avec celui de Cary Fukunaga qui arrive sur nos écrans près d’un an après sa sortie britannique, en même temps qu’un certain Batman face auquel il ne tiendra malheureusement pas la distance.
Le réalisateur de Sin Nombre a pour son deuxième long métrage réussi le challenge de saisir parfaitement cette histoire complexe en seulement deux heures (c’est dire si après ça on est en droit d’attendre un miracle pour sa future adaptation de It de Stephen King) et on ne lui en voudra pas de trahir la linéarité narrative du roman pour opter pour une narration en flash-back (Moira Buffini au scénario adapte la construction du film à l’atmosphère voulu par Fukunaga). Les premières images de Jane ne sont donc pas celle d’une enfant, mais nous montre sa fuite éperdue de Thornfield. Telle la Tess de Polanski, Jane avance péniblement sous un ciel de plomb avant de s’écrouler sur la lande.
Il ne faut pas beaucoup plus longtemps pour comprendre que l’esprit du roman est parfaitement traduit par la caméra de Fukunaga qui maîtrise aussi bien ce qui relève de l’enfance et de la maturité de son personnage principal. Il y a bel et bien l’ébauche du fantastique dans le traitement de l’enfance de Jane lorsque son imagination nourrie de contes se mêle à la réalité pour donner vie au monstre qui habite la cheminé de la chambre rouge. L‘aspect malsain du pensionnat Lowood est poussé à son maximum pour coller à la vision qu’en a l’enfant qui partage son séjour entre pénitences et châtiments corporels. Il n’y a pourtant rien de misérabiliste dans cette approche qui surpasse celle qui caractérise un Oliver Twist.
Le casting est assurément l’atout majeur de cette adaptation. Là où William Hurt et Charlotte Gainsbourg adoptaient une composition qui délaissait l’amour passionné pour une trop froide torture spirituelle proche de l’indifférence tant leurs personnages évoluaient dans deux sphères différentes, Mia Wasikowska (Alice de Tim Burton, The Kids are All Right de Lisa Chodolenko) et Michael Fassbender (la liste est longue, pour une carrière aussi jeune et déjà monumentale) contaminent leurs univers mutuels pour offrir cette complicité fiévreuse qui rend la vision du film aussi chaudement humide que la lecture du roman. Le Rochester de Jane Eyre n’est pas le Heathcliff des Hauts de Hurlevent duquel on le rapproche trop souvent, sa colère se dirige essentiellement sur lui-même et si la retenue de Fassbender l’empêche de s’exprimer c’est pour mieux susciter le malaise chez le spectateur avec cette constante frustration qui garni de barbelés la frontière entre Rochester et Jane. L’impression d’un fantastique discret achèvera de nimber de mystère le secret de Rochester qui sera finalement révélé avec une sobriété bienvenue.
Le parti pris de la nuance adopté par un Fukunaga qui se refuse définitivement à toucher aux extrêmes rend l’histoire d’autant plus trouble que l’identification aux personnages est rendu totalement possible et même inévitable. On n’évitera pourtant pas la haine que suscite Mrs Reed (Sally Hawkins, toujours parfaite), la tante de Jane qui est en partie à l’origine de son drame ou le cousin John Reed (Craig Roberts, LE visage du futur pour le ciné anglais, déjà vu dans le formidable Submarine de Richard Ayoade). Amelia Clarkson est réellement impressionnante dans le rôle difficile de la toute jeune Jane d’autant plus qu’elle semble très à l’aise dans l’amitié trouble qui lie son personnage à la jeune Helen (Freya Parks, une belle promesse du cinéma britannique). Judi Dench (Lady Dench et ses dix BAFTA awards ne déçoit décidément jamais), Jamie Bell et Sophie Ward (Les Prédateurs, Le Secret de la Pyramide, Book of Blood... la digne fille de son père) complètent cette distribution sans faille.
La mise en scène de Fukunaga évite tout effet de style emprunté pour capter au mieux chaque émotion, même dans les moments de latences qui parsèment le dialogue entre Jane et Rochester. Ces silences chargés deviennent de véritables instants de poésie pure qui participent à l’ampleur de répliques toujours délicieuses. Bercé par la musique discrète mais inspirée de Dario Marianelli (souvenez-vous du thème principal d’Orgueil et Préjugés) et malgré un traitement elliptique (Deux heures obligent) qui n’est là que pour faire parler les puristes, il semblerait que Jane Eyre aie enfin trouvé l’écrin cinématographique qui lui faisait défaut.
Le réalisateur de Sin Nombre a pour son deuxième long métrage réussi le challenge de saisir parfaitement cette histoire complexe en seulement deux heures (c’est dire si après ça on est en droit d’attendre un miracle pour sa future adaptation de It de Stephen King) et on ne lui en voudra pas de trahir la linéarité narrative du roman pour opter pour une narration en flash-back (Moira Buffini au scénario adapte la construction du film à l’atmosphère voulu par Fukunaga). Les premières images de Jane ne sont donc pas celle d’une enfant, mais nous montre sa fuite éperdue de Thornfield. Telle la Tess de Polanski, Jane avance péniblement sous un ciel de plomb avant de s’écrouler sur la lande.
Il ne faut pas beaucoup plus longtemps pour comprendre que l’esprit du roman est parfaitement traduit par la caméra de Fukunaga qui maîtrise aussi bien ce qui relève de l’enfance et de la maturité de son personnage principal. Il y a bel et bien l’ébauche du fantastique dans le traitement de l’enfance de Jane lorsque son imagination nourrie de contes se mêle à la réalité pour donner vie au monstre qui habite la cheminé de la chambre rouge. L‘aspect malsain du pensionnat Lowood est poussé à son maximum pour coller à la vision qu’en a l’enfant qui partage son séjour entre pénitences et châtiments corporels. Il n’y a pourtant rien de misérabiliste dans cette approche qui surpasse celle qui caractérise un Oliver Twist.
Le casting est assurément l’atout majeur de cette adaptation. Là où William Hurt et Charlotte Gainsbourg adoptaient une composition qui délaissait l’amour passionné pour une trop froide torture spirituelle proche de l’indifférence tant leurs personnages évoluaient dans deux sphères différentes, Mia Wasikowska (Alice de Tim Burton, The Kids are All Right de Lisa Chodolenko) et Michael Fassbender (la liste est longue, pour une carrière aussi jeune et déjà monumentale) contaminent leurs univers mutuels pour offrir cette complicité fiévreuse qui rend la vision du film aussi chaudement humide que la lecture du roman. Le Rochester de Jane Eyre n’est pas le Heathcliff des Hauts de Hurlevent duquel on le rapproche trop souvent, sa colère se dirige essentiellement sur lui-même et si la retenue de Fassbender l’empêche de s’exprimer c’est pour mieux susciter le malaise chez le spectateur avec cette constante frustration qui garni de barbelés la frontière entre Rochester et Jane. L’impression d’un fantastique discret achèvera de nimber de mystère le secret de Rochester qui sera finalement révélé avec une sobriété bienvenue.
Le parti pris de la nuance adopté par un Fukunaga qui se refuse définitivement à toucher aux extrêmes rend l’histoire d’autant plus trouble que l’identification aux personnages est rendu totalement possible et même inévitable. On n’évitera pourtant pas la haine que suscite Mrs Reed (Sally Hawkins, toujours parfaite), la tante de Jane qui est en partie à l’origine de son drame ou le cousin John Reed (Craig Roberts, LE visage du futur pour le ciné anglais, déjà vu dans le formidable Submarine de Richard Ayoade). Amelia Clarkson est réellement impressionnante dans le rôle difficile de la toute jeune Jane d’autant plus qu’elle semble très à l’aise dans l’amitié trouble qui lie son personnage à la jeune Helen (Freya Parks, une belle promesse du cinéma britannique). Judi Dench (Lady Dench et ses dix BAFTA awards ne déçoit décidément jamais), Jamie Bell et Sophie Ward (Les Prédateurs, Le Secret de la Pyramide, Book of Blood... la digne fille de son père) complètent cette distribution sans faille.
La mise en scène de Fukunaga évite tout effet de style emprunté pour capter au mieux chaque émotion, même dans les moments de latences qui parsèment le dialogue entre Jane et Rochester. Ces silences chargés deviennent de véritables instants de poésie pure qui participent à l’ampleur de répliques toujours délicieuses. Bercé par la musique discrète mais inspirée de Dario Marianelli (souvenez-vous du thème principal d’Orgueil et Préjugés) et malgré un traitement elliptique (Deux heures obligent) qui n’est là que pour faire parler les puristes, il semblerait que Jane Eyre aie enfin trouvé l’écrin cinématographique qui lui faisait défaut.
4 commentaires:
Je gardais un souvenir très mitigé de l'adaptation dont tu parles, avec Charlotte Gainsbourg qui ne correspondait pas à l'idée que je me faisais de Jane. Le casting de rêve que tu évoques me donne très envie de voir celle-là !
Personnellement je ne suis pas aussi emballée que toi par cette adaptation. Non pas à cause du format de 2h, ça je trouve qu'il s'en sort très bien et la narration en flash-back m'a beaucoup plu. Mon problème tient dans ce que tu as préféré: les deux acteurs. Je trouve le jeu de Mia fade et celui de Fassbender froid. Je trouve que leur couple n'a aucune alchimie ni aucune passion. C'est personnel mais ça ne colle pas avec ma lecture de Jane Eyre qui est mon roman préféré. Je lui préfère de loin la version BBC 2006 (qui certes est plus longue donc ça doit jouer inconsciemment je ne dis pas le contraire) pour ses deux acteurs principaux.
Cela dit, cette version arrive en seconde position chez moi tout de même. D'une façon générale je pense que les romans des soeurs Brontë sont très difficiles à adapter à l'écran.
Hello Gabriel,
J'ai lu avec beaucoup d'attention ton billet sur cette adaptation de Jane Eyre (je me demandais justement si tu allais en faire la critique, et j'attendais ton avis avec impatience !). Malgré que je t'accorde volontiers le grand talent des deux acteurs, mon avis rejoint beaucoup le commentaire de Perséphone. Il manque indéniablement quelque chose à cette adaptation, et notamment des dialogues plus étoffés entre les deux personnages (même si je suis consciente qu'en 2 heures, on ne puisse pas retranscrire l'intégralité des scènes délicieuses du roman)... Mais j'ai tendance surtout à trouver à ce film quasi intimiste une absence manifeste de romantisme, qui aurait du être pourtant son matériau de base. La faute peut être à la narration, non pas désordonnée - le mot est sans doute trop fort - mais volontairement déconstruite. Je pense qu'on y perd quelque chose d'essentiel.
Cela dit, c'est un film qui se regarde agréablement et qui bénéficie de très belles images.
A bientôt !
@ Neph : Merci pour ce commentaire,j'espère que tu trouveras la Jane que tu imagines dans cette adaptation ;)
@ Perséphone et Clélie : Bonjour :). je comprends vos points de vue, j'imagine que je serai tout aussi critique avec une nouvelle adaptation de Dracula. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un film et non d'un téléfilm et qu'il ne peut pas se permettre de s'étaler sur plusieurs parties. Je ne lui reprocherai pas ses ellipses narratives mêmes si elles sont conséquentes, parce que je préfère considérer une adaptation comme une oeuvre indépendante de l'ouvrage dont elle est tirée, en cela qu'il s'agit de la lecture d'une oeuvre par un autre auteur (un cinéaste). Je trouve alors que Fukunaga a excellé, là ou beaucoup échouent, à rendre compte de l'intensité du roman et à le rendre accessible à un public qui ne l'aurai pas lu. Si je parle des silences qui s'imposent entre Jane et Rochester, c'est bien parce que le romantisme ne passe plus par les dialogues, mais se manifeste de façon écrasante dans l'atmosphère générale, ce film est noyé dans un romantisme hystérique, et là, je pense que je retrouve cet essentiel que tu dit perdu Clélie ;). Le cinéma doit trouver ses propres moyens d'expression, et ce ne sont pas ceux de la littérature, je pense alors que cette adaptation est le meilleur pendant cinématographique au roman, puisqu'elle a compris qu'il fallait évacuer tout ce qui était propre au livre et qu'on ne converti que maladroitement au cinéma.
Je suis très heureux de vous lire par ailleurs, je n'ai plus énormément de temps à consacrer à mon blog, et si je suis toujours vos posts, je reste silencieux la plupart du temps.
A très bientôt ! :)
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