25 avr. 2010

The Countess


Ecrit et réalisé en 2009 par Julie Delpy.
Avec Julie Delpy, Daniel Brühl, William Hurt, Sebastian Blomberg...
Musique composée par Julie Delpy.

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Veuve héritière de la fortune et de l'armée de son époux qu'elle gère avec maestria, Erzebet Bathory jette son dévolu sur le jeune Istvan Thurzo. D'un amour passionné mais contrarié qui lui aura, un court instant fait connaître le bonheur, la comtesse ne garde que l'amertume : éprise d'un adolescent à la peau lisse, elle remarque avec horreur que son corps de femme mûre est marqué par l'empreinte du temps. Sombrant dans la folie après le départ de son amant, elle se persuade que le sang pur des vierges lui rendra sa jeunesse...
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Biopic très attendu, The Countess est presque l'oeuvre d'une seule femme, en effet, Julie Delpy écrit, produit, réalise, compose la musique et interprète le rôle titre de ce film qui derrière une apparence plus que crédible de film historique, dissimule un habile et touchant portrait de femme.

La figure d'Erzebet Bathory hante le folklore vampirique et rarement métrage n'a été aussi juste dans son traitement que The Countess. Julie Delpy s'émancipe de l'image que donnèrent les classiques des années 70 comme Countess Dracula de Peter Sasdy ou les Contes Immoraux de Borowczyk, pour appréhender la figure dans toute sa profondeur, ainsi la narration ne se centre à aucun moment sur les hypothétiques meurtres mais s'emploie à dévoiler petit à petit la personnalité de son personnage central, à lui attribuer des raisons autres que sa propre vanité. Erzebet Bathory est dépeinte comme une femme volontaire et moderne, forcément frustrée par la sociétée du XVIème siècle, trouvant satisfaction dans la crainte qu'elle inspire. Sans la victimiser pour autant, Julie Delpy redonne au personnage une humanité perdue, remplacée par des siècles de légende.

Filmé en Roumanie et en Allemagne, The Countess dénote une grande sobriété au niveau des décors, les intérieurs restreints donnent un caractère intimiste au drame et les costumes, une certaine austérité, certainement peu éloignée de la mode de l'époque. Dans ce cadre si minimaliste et pourtant si enchanteur auquel colle parfaitement le score musical délicat, Delpy/Bathory envahit l'écran et peu de place est laissée au reste du casting. Avant d'être une meurtrière obsédée par sa jeunesse perdue, Erzebet est une femme malheureuse et surtout amoureuse, ce qui donne lieux à des scènes dures et bouleversantes comme celle de la mèche de cheveux de Thurzo qu'elle dépose au creux d'une entaille sur son sein ; les métaphores dont use Julie Delpy sont à l'image du film, subtiles et efficaces.


Mais la grande efficacité du film réside en ce doute qui parvient quand même jusqu'à notre esprit, éveillé par une image d'Erzebet étendue dans sa chambre au fenêtres murées, ayant recouvré sa beauté... un relicat de légende qui apporte une certaine poésie à cette oeuvre si troublante.
Brillant portrait de femme, The Countess est certainement le film le plus juste et le plus poignant jamais réalisé sur cette figure ô combien tragique qu'est Erzebet Bathory, une femme qui savait que s'il est agréable d'être respecté, admirable d'être craint, il est vital d'être aimé.

12 avr. 2010

When Dinosaurs Ruled The Screen ; le génie de Willis O'Brien et Ray Harryhausen

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Depuis les balbutiement du cinéma, les dinosaures fascinent les artisan du 7ème art, ce qui a donné lieu à un certain nombres de grand classiques, depuis The Lost World (Harry Hoyt, 1925) jusqu'au spectaculaire Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993). Le pionnier de cette petite histoire du cinéma, c'est Willis O'Brien !
Ayant servit de guide à des paléontologues ou ayant sculpté pour eux des figurines en argile, Willis O'Brien s'intéresse très jeune à l'animation et le lien est vite fait ! Son premier film The Dinosaur and the Missing Link (1917) lui permet d'être engagé par la compagnie Edison pour d'autres court-métrages du même acabit. Il réalise aussi le surprenant Ghost of Slumber Mountain (1918) qui en guise de final nous montre la lutte d'un cératopsien contre un prédateur géant. Mais l'oeuvre qui marquera le début d'une grande carrière est bien entendu The Lost World (1925) inspiré du roman de Sir Arthur Conan Doyle ! Enorme succès public et critique, Le Monde Perdu est surtout une superbe prouesse technique permettant la présentation de quelques espèces de dinosaures dans un milieu "naturel".



Une famille de tricératops
La fameuse bataille fantasmée entre un mégalosaurus et un brontosaurus scientifiquement douteux.




La récession économique qui touche les Etats Unis empêche, malgré le succès de The Lost World, la réalisations de plusieurs projets tout aussi conséquents, comme Création (1931) qui restera inachevé et dont ne subsistes que quelques minutes. Le film ne présente pas un scénario très poussé, néanmoins, l'étrange beauté des images et des situations (une mère tricératops défendant son petit) et la qualité de la stop-motion s'avèreront une grande source d'inspiration pour King Kong (1933) qui reste l'un des plus gros succès de la RKO !
Le combat mémorable de Kong contre le Tyrannosaure de Skull Island qui évoque étrangement un match de catch.
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Travaillant sur Mighty Joe Young (1949) pour lequel il se verra attribuer l'oscar mérité des meilleurs effets visuels, il bénéficie de la collaboration de son protégé et successeur, Ray Harryhausen dont on connait l'immense carrière (depuis Mighty Joe Young jusqu'au Choc des Titans de 1980). Cette collaboration sonne presque comme une consécration pour le jeune Ray Harryhausen qui depuis sa première vision de King Kong, se passionne pour la reconstitution et l'animation d'animaux préhistoriques ou fantastiques. En guise de premier essai, Harryhausen réalise Evolution en 1938 (dont le titre est évidemment une extension de Création), un pseudo documentaire, sans aucune explications montrant la promenade d'un sauropode dans la jungle, puis l'attaque d'un cératopsien par un carnivore efficace, des scènes simples que l'ont retrouvera, toujours plus convaincantes au fil de la filmographie de l'artiste.


Parmi les belles réussites sauriennes d'Harryhausen, compte évidemment la dangereuse ménagerie de One Million Years B.C (1966, Don Chaffey). La Hammer se lance dans l'aventure préhistorique et engage pour cela le plus grand nom du genre. Si Raquel Welch en bikini léopard n'est pas des plus convaincante en bimbo des cavernes très 60's, il en va autrement pour les différentes créatures que Harryhausen confectionne et anime, fidèle à ses premières amours. Ainsi, on s'écartera pour laisser passer un imposant Brontosaure, guest star qui le temps d'un caméo nous rappelle le brouillon, Evolution, et sa beauté balbutiante.


Lutte pour la survie : L'homme et l'Allosaurus ou 150 millions d'années d'écarts effacés par la magie du cinéma.


Le film racontant une lutte de classe improbable à une époque indéterminable dans laquelle se rencontrent Dinosaures, êtres humains et insectes géants, est prétexte à une série de séquences ou la stop-motion est au service de duels à mort, comme le long et spectaculaire combat qui oppose un tricératops et un cératosaure dans un festival d'inexactitudes scientifiques qui se trouvent excusées par le bordel régnant dans cette réalité parallèle dépeinte par cette production fort sympathique.



Les ptérodactyles de One Million Years B.C se disputant Raquel Welch et le ptéranodon coloré de La Vallée de Gwangi .


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Le film qui pour moi reste l'un des plus représentatif de la phase dinosaurienne du travail de Ray Harryhausen est La Vallée de Gwangi (1969), version élaborée de Beast of hollow Mountain (1956, un projet que chérissait Willis O'Brien malheureusement décédé en 1962). Croisement audacieux entre un western et Le Monde perdu, La Vallée de Gwangi met en scène une troupe de cirque en quête de nouvelles attraction dans une vallée mexicaine que tout le monde dit maudite. Le film donne lieux à de superbes scènes et à de belles trouvailles : Harryhausen crée pour le film une jolie reconstitution de l'Eohippus (cheval de l'aube) un équidé primitif de 50 centimètres très mignon par lequel toute l'aventure commence. Mais la star du film est bien entendu Gwangi, un féroce Allosaurus bleuté dont les apparitions sont inévitablement ponctuées de hurlements.

Gwangi contemplant différentes proies, avant d'être capturé par la troupe et exhibé dans un cirque, la filiation avec Le Monde perdu ou King Kong étant évidente, l'animal brisera ses chaines pour semer la terreur dans la ville avant de connaitre une bien triste fin.
Plus de tricératops ici, mais un styracosaure coriace



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The Valley of Gwangi marque une évolution formidable pour les dinosaures au cinéma et se permet même l'introduction d'un nouvelle star du grand écran : L'Ornithomimus. C'est en effet la première apparition dans l'histoire du cinéma de ces dinosaures autruche, 24 ans avant Jurassic Park et les splendides citation que fait Spielberg à l'ensemble de l'oeuvre de Willis O'brien et Ray Harryhausen : On pense évidemment à cette magnifique attaque des Gallimimus (cousins de l'ornithomimus) par le Tyrannosaurus Rex qui reprend à l'identique la scène de première rencontre avec Gwangi ou les déambulation anxieuses de la mère Tyrannosaure dans San Diego (Le Monde Perdu, 1997) qui trouveront une fin plus heureuses que celle de son modèle de 1969.


24 ans avant Jurassic Park, un ornithomimidé courait déjà vers la gloire.

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9 avr. 2010

BORGIA

Bande dessinée d'Alejandro Jodorowsky et Milo Manara.
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Rome n'est plus une ville sainte, mais un chaos sans foi ni loi et les Borgia, premiers parrains de l'histoire en sont les maîtres. Pendant que Savonarole harangue les foules pour essayer d'endiguer la vague de débauche qui déferle sur Rome, le Cardinal Rodrigo Borgia met tout en oeuvre pour se faire élire Pape. Pour parvenir à ses fins, tous les moyens sont bons et il est pret aux pires atrocités, jusqu'à utiliser ses enfants dans sa quête de pouvoir.
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Voila l'oeuvre fascinante de deux auteurs reconnus, le premiers pour son cinéma surréaliste et baroque et ses collaborations avec Roland Topor ou Fernando Arrabal, le second pour son style sans détour et le caractère sulfureux de ses univers. Borgia est bien le fruit de ces deux personnalités, cela se sent ! Tenant de Jodorowsky ses délires sanglants et anti-chrétiens et de Manara son érotisme quasi dérangeant, la mainmise des Borgia est fidèlement retracée dans cette bande dessinée éponyme.


Bénéficiant d'un dessin assuré, subtil et détaillé, Borgia propose de superbes vues de Rome (et d'autres, de Lucrèce...) ainsi qu'un regard acéré sur les habitudes de l'époque. La filiation avec le mouvement Panique dont Jodorowsky était l'un des instigateurs est mince, mais se ressent ça et là quand l'alégorie prend le pas sur les faits et que l'oeuvre se fait plus délirante. Une chose est sûre, on est très loin ici de la vision proposée par Christian Jacques dans son film Lucrèce Borgia avec Martine Carol. Sans conscession, chaque album de la série va au bout de son trip avec une minutie quasiment effrayante, mais si excitante qu'il est totalement impossible de refermer chaque tome avant de l'avoir achevé.
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Mélant le sang et le sexe dans une fresque historique magnifique, Borgia fait partie de ses petits joyaux de la bande dessinée que les non-amateurs éprouvent un immense plaisir à découvrir, ne serait-ce que pour les noms en couvertures, et ce titre si alléchant : Jodorowsky/Manara/Borgia !