27 juin 2012

Une Messe pour Dracula



Réalisé par Peter Sasdy en 1969.
Avec Christopher Lee, Linda Hayden, Anthony Higgins, John Carson, Ralph Bates, Isla Blair, Martin Jarvis, Geoffrey Keen...
Scénario de John Elder.
Musique composée par James Bernard
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Un marchand de curiosités en voyage en Europe de l'Est tombe par un concours de circonstances sur le comte Dracula agonisant, empalé sur une croix. L'homme recueille le sang du vampire anéanti, et trouvera pour cet article très spécial trois malheureux acheteurs. Il s'agit de notables londoniens dépravés, qui au cours d'une messe noire vont ressusciter Dracula.
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L'introduction d'Une Messe pour Dracula est plutôt laborieuse, nous retrouvons Dracula là où nous l'avions quitté à la fin de Dracula et les Femmes, empalé sur la croix avec laquelle Monseigneur avait scellé son château. Weller, un obscure commerçant en voyage assiste à l'agonie du comte et à la transformation de son sang en cendres rouges. Il s'empare alors des effets du vampire dans l'espoir de les vendre à de riches excentriques anglais. Ces riches, finalement assez peu excentriques sont 3 notables, William Hargood, Jonathan Secker et Samuel Paxton, qui en quête de dépravation s'acoquinent de Lord Courtley qui les incite à acheter le sang du comte Dracula pour invoquer le vampire au cours d'une messe noire. Les choses tournent mal et Courtley meurent en buvant le sang de Dracula. C'est Peter Sasdy que l'on trouve cette fois derrière la caméra. Le jeune réalisateur hongrois, qualifié un peu vite de nouveau Terence Fisher impose un style qui sera deux ans plus tard celui qui participera à la réussite de La Fille de Jack l'Eventreur, son meilleur film.

Une Messe pour Dracula fut d'abord écrit sans que le personnage créé par Bram Stoker ne soit directement inclu dans le script. Christopher Lee se montrant de plus en plus réticent à reprendre le rôle, la Hammer pensait faire de Lord Courtley (Ralph Bates) le nouvel antagoniste vampirique, en le faisant revenir d'entre els morts pour se venger des trois hommes qui l'ont laissé pour mort en s'enfuyant. Mais la Warner refusait de distribuer un Dracula sans Christopher Lee, et l'acteur fut engagé presque contre sa volonté, enrageant d'incarner un personnage si majestueux dans un film intitulé Taste the Blood of Dracula ("Goutez le sang de Dracula", une accroche ridicule selon l'acteur). Il est manifeste que le film aurait fonctionné aussi bien sans Dracula/Lee, mais comme toujours la présence de l'acteur permet de très belles scènes.


Si le script d'Anthony Hinds (sous l'éternel pseudonyme de John Elder) est très éloigné du roman de Stoker, nombreuses sont les correspondances à commencer par le fait qu'il s'agit là du premier Dracula de la Hammer qui se déroule dans l'Angleterre victorienne. La chapelle désaffectée dans laquelle Lord Courtley orchestre la messe noire, et qui servira de repère à Dracula renvoie directement à l'Abbaye de Carfax, et les personnages eux-mêmes sont calqués sur leurs homologues stokeriens. On retrouve ici deux couples, Alice Hargood (Linda Hayden) et Paul Paxton (Anthony Higgins, beau garçon crédité ici sous le nom d'Anthony Corlan) sont les nouveaux Mina et Jonathan, et Jeremy Secker (Martin Jarvis) et Lucy Paxton (Isla Blair), les nouveaux Arthur et Lucy (la correspondance des prénoms implique la correspondance des destinés). Les enfants de nos trois notables pervertis deviennent les cibles de Dracula.

Le couple Alice et Paul est l'un des véritables atouts du film; les deux jeunes acteurs affichent une très belle complicité et la musique qui accompagne leurs rendez-vous secrets est sans conteste l'une des plus douces et des plus belles de James Bernard. Esthétiquement, Une Messe pour Dracula bénéficie du changement de lieu : la campagne anglaise a rarement été aussi bien filmée, la chapelle, le cimetière, le jardin des Hargood avec sa fontaine, tous les décors son magnifiques à l'égal des costumes, aux antipodes de ce que l'on peut voir dans Dracula et les femmes. Si le scénario patine parfois et peine à inclure Dracula de façon crédible au début, le reste relève très bien le niveau et, au final, de tous les Dracula de la Hammer, il s'agit là d'un des meilleurs.



Christopher Lee ne sera pas de cet avis. Déjà déçu du retour peu ambitieux de Dracula dans le film de Freddie Francis, l'acteur déplore le manque d'inventivité de la Hammer, qui se borne aux mêmes bases de film en film. L'acteur affirme qu'il n'incarnera plus Dracula pour la firme, et la fin d'Une Messe ressemble d'ailleurs fort à une conclusion définitive, et pour une fois à la hauteur du personnage (même si elle reste assez peu claire dans son déroulement). Contre toute attente, malgré ses réticences, Christopher Lee se contredira en reprenant son rôle dans Les Cicatrices de Dracula de Roy Ward Baker l'année suivante. Avec ce cinquième film, la Hammer ne produira pas une suite, mais se retrouvera à l'avant-garde d'une pratique aujourd'hui très répandue à Hollywood : le reboot !

26 juin 2012

Dracula et les Femmes



Réalisé par Freddie Francis en 1968.
Avec Christopher Lee, Rupert Davies, Veronica Carlson, Barbara Ewig, Michael Ripper...
Scénario de John Elder
Musique composée par James Bernard.
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Voila plus d'un an que Dracula a péri dans les eaux qui entourent son château, mais à Keinenberg, les villageois vivent dans la terreur du vampire. Monseigneur Muller, voulant rassurant les habitants et mettre fin aux superstitions s'en va sceller le portail du château de Dracula avec un énorme crucifix...
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Réalisé deux ans après Prince of Darkness, Dracula has risen from the Grave est l'oeuvre de Freddie Francis, admirable directeur de la photographie (on lui doit celle d'Elephant Man de David Lynch et des Innocents de Jack Clayton), qui s'est déjà trouvé derrière la caméra pour Evil of Frankenstein. Ce n'est donc pas la première fois que l'homme prend la succession de Terence Fisher et se démarque par un style tout à fait différent. A ce titre, Dracula et les femmes est "l'épisode" qui bénéficie sans conteste du meilleur traitement esthétique. Le générique sur fond d'images abstraites qui évoquent des artères gorgées de sang annonce une nouvelle approche plus frontale du mythe. A chaque apparition du comte Dracula, Francis nimbe les bords de l'image de filtres rouges ou ambrés, et l'image très contrastée donne aux toits du villages (sur lesquels se déroulent quelques scènes clés) des airs de sortir d'un film expressionniste. Cette nouvelle approche visuelle est sans doute l'apport le plus important de Freddie Francis à la saga. D'un autre côté, l'aspect du château de Dracula et du paysage qui l'environne est très éloigné de ce à quoi on s'attendait. le film ayant été tourné au Studio d'Elstree, et non au studio de Bray comme les précédents, il présente un décors différent et le chemin qui mène au château, comme le portail n'évoquent pas du tout l'image que l'on en gardait à la fin de Prince of Darkness. Ces changements n'ont rien de très déstabilisants et l'escarpement sur lequel trône le château (dont on ne verra jamais l'aspect intérieur) relève plus de la description stokerienne que les versions précédentes.

Le traitement scénaristique requiert plus d'indulgence. Maladroitement relié à la fin de Prince of Darkness, via l'évocation du vampire prisonnier de la glace, Dracula has risen from the grave s'ouvre sur l'illustration des méfaits du comte avant qu'il ne soit provisoirement mis hors d'état de nuire. Le Comte Dracula, maître de l'irrévérence cachait apparemment le cadavre de ses victimes dans les cloches des églises. La séquence, bien que sans répercutions sur l'histoire, se révèle efficace et annonce une violence graphique beaucoup plus importante que dans les précédentes variations. La résurrection du comte par contre est beaucoup moins crédible. Dans son périple vers le château, Monseigneur Muller embarque un prêtre désabusé qui épuisé reste à l'arrière, et, déstabilisé par un orage soudain (Monseigneur vient de sceller les portes du château en prononçant une prière d'exorcisme, ce qui déchaîne les éléments), se casse la figure sur les rochers, son sang s'écoule alors vers une rivière gelée au fond de laquelle repose Dracula depuis un an, la glace se brise et le sang atteint bien évidemment les lèvres du vampire, oups! Dès cet instant le prêtre devient le serviteur du comte.

Comme toujours, on retrouve un couple central, dont l'amour sera l'arme la plus forte, ici incarné par Veronica Carlson (Maria, la nièce de Monseigneur) et Barry Andrews (Paul, l'apprenti boulanger). Souhaitant s'adresser à un public plus "frais", Francis fait de Maria et Paul l'incarnation de la jeunesse, ainsi que l'association de deux milieux radicalement opposés : Maria, issue d'un environnement petit bourgeois et très catholique, soupire après Paul, étudiant prolétaire et athée qui travail au café pour payer ses études. Une mise en scène des classes sociales, simpliste mais jusque là inédite. Si Dracula est l'incarnation d'une noblesse préhistorique, on pourrait voir la victoire finale de Paul comme le renversement de la "rulling class" par la classe ouvrière. Simpliste et finalement peu crédible, Dracula et les femmes est déservit par son manque d'ambition. La musique composée par James Bernard est ici moins subtile que le score qu'il avait écrit pour Dracula prince of Darkness, mais comme toujours, un morceau sort du lot, et il s'agit ici de The Cross, qui illustre le grand final du film, et qui sonne comme une réponse au Funeral in Carpathia qui ouvrait le film précédent.



Esthétiquement splendide, Dracula et les femmes est pourtant un film en demi teinte, qui aurait gagné à développer son discours autant que la bleuette entre Paul et Maria qui prend beaucoup trop de place entre chaque apparition du vampire. On pourra noter que le scénario de John Elder répète le schéma habituelle avec les jeunes femmes : comme précédemment, Dracula vampirise la jolie rousse, pour s'approcher de la jolie blonde. Un manège que l'on retrouvera dans Une Messe pour Dracula, de Peter Sasdy, suite directe du film de Freddie Francis et dans lequel Anthony Hinds aura la bonne idée de ramener le comte en Angleterre, et ainsi de le rattacher au gothique qui lui fait ici défaut.