15 oct. 2014

Les Maîtresses de Dracula


Réalisé par Terence Fisher en 1960.
Avec Peter Cushing, David Peel, Yvonne Monlaur, Freda Jackson, 
Martita Hunt, Miles Maleson...
Scenario de Jimmy Sangster, Edward Percy, Peter Bryan et Anthony Hinds,
Librement inspiré du roman Dracula de Bram Stoker.
Musique composée par Malcolm Wiliamson.

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"Transylvania, land of dark forests, dread mountains and black unfathomable lakes. Still the home of magic and devilry as the nineteenth century draws to its close. Count Dracula, monarch of all vampires is dead. But his disciples live on to spread the cult and corrupt the world..." La voix off nous met immédiatement dans l'ambiance alors que la caméra de Fisher s'attarde sur une forêt brumeuse, avant de nous présenter son héroïne, Marianne Danielle, jeune institutrice française venue enseigner dans une prestigieuse pension. Abandonnée par son cocher dans un petit village, Marianne accepte l'invitation de la mystérieuse Baronne Meinster de passer la nuit au château...

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Les Maîtresses de Dracula est le second film de vampire de Terence Fisher, deux ans après le magnifique Cauchemar de Dracula, qui malgré son titre ne met aucunement en scène le Comte Dracula incarné par Christopher Lee, mais un de ses disciples, le juvénile Baron Meinster incarné par un David Peel qui préfigure le Lestat de Anne Rice. L'absence de Christopher Lee n'est pas regrettable, et elle permet au contraire de mettre en avant la présence d'une autre figure qui s'émancipe du carcan du roman Dracula pour devenir un héros fisherien à par entière, celle du professeur Van Helsing incarné encore une fois par l'immense Peter Cushing.


Au château Meinster, la belle Marianne Danielle (Yvonne Monlaur) s'aperçoit vite que la baronne cache quelque chose, et fait la connaissance du jeune baron qui se trouve enchaîné dans ses appartements. Séduite par le malheureux jeune homme, Marianne décide de l'aider à fuir la demeure de sa cruelle mère. Mal lui en prend, car les précautions de la baronne sont parfaitement justifiées : son fils est un vampire, et ne pouvant se résoudre à le détruire, elle l'a enfermé et laissé au soin de sa gouvernante.

C'est sur ce postulat de conte de fée que Fisher construit un suspens merveilleux, mettant l'accent sur l’ambiguïté du vampire, tantôt précieux et fragile, tantôt bestial, qui une fois délivré n'hésite pas à vampirisé sa mère dans une superbe scène dont les auteurs n'ont pas cherché à amoindrir la charge incestueuse. Les décors semblent tout droit sortis des gravures de Gustave Doré et on reconnait bien le talent du chef décorateur Bernard Robinson avec ses colonnes torsadées envahies de lierre, ses vitraux colorés qui teinte les intérieurs de rouge, bleu, mauve, ainsi que la photographie éclatante de Jack Asher au sommet de son art. La musique n'est exceptionnellement pas l'oeuvre de James Bernard, mais de Malcolm Wiliamson qui compose un score où une douce mélancolie le dispute à une tonitruante angoisse.



Si les nombreuses réécritures du scénario se ressentent, la cohérence du tout force l'admiration, cohérence de ton, cohérence visuelle, et surtout cohérence narrative. Les péripéties s'enchaînent avec fluidité : Marianne après sa fuite effrénée du château a la chance de tomber sur Van Helsing qui se fait un devoir de la protéger du baron qui va sans nul doute chercher à la retrouver pour en faire sa compagne dans l'éternité. La trame classique est quelque peu modifiée et le film recèle de nombreux twists scénaristiques qui servent à merveille l'inventivité visuelle de l'équipe jusqu'à un final surprenant et magnifique qui fait intervenir les fameuses maîtresses du titre.

Légèrement sulfureux, esthétiquement sublime, Les Maîtresses de Dracula est probablement la plus grande réussite vampirique de Terence Fisher, peut-être pas aussi parfait que Le Cauchemar de Dracula, plus maladroit sans doute, mais plus inventif, plus subtil, plus vénéneux assurément. Si Fisher attendra 1966 pour s'intéresser à nouveau au vampire avec Dracula, Prince des Ténèbres, la Hammer n'attendra pas aussi longtemps pour exploiter les nombreuses idées évoquées dans le scénario des Maîtresses de Dracula mais absentes du film fini, et confiera à Don Sharp la réalisation du Baiser du Vampire qui se place dans la droite lignée de son aîné fisherien.