22 mai 2011

Moriarty : Menace fantôme

Professeur Moriarty par Sidney Paget (gravure parue dans the Strand)

Professeur James Moriarty est connu pour être la nemesis de Sherlock Holmes, son grand ennemi, doté d'une intelligence égale sinon supérieure, le Napoleon du crime pour reprendre la description faite par Holmes dans le premier récit faisant apparaître le personnage. Ce premier récit, "The Final Problem" devait, comme son titre l'indique, être aussi le dernier pour le grand détective, mais comme chacun sait, il n'en fut rien !


Au terme de l'enquête, Holmes et son ennemi de toujours (qu'il n'avait pas pris la peine de mentionner auparavant) sont précipités dans les chutes de Reichenbach alors qu'ils sont engagé dans une lutte à mort. Pour nombre de lecteurs frustrés, ce grand méchant sorti d'on ne sait où ressemble plutôt à une combine pour se débarasser d'un personnage devenu trop encombrant pour Conan Doyle... et on serait tenté de croire à cette hypothèse.


A ce stade du canon Holmesien, Watson prétend n'avoir jamais entendu parler de Moriarty, mais étrangement dans The Valley of Fear, publié plus tard, mais se déroulant avant the Final Problem, Moriarty est mentionné, et Watson semble s'en rappeler comme "The famous scientific criminal". S'agirait-il là, de la part de Conan Doyle de justifier, avec le retour de son détective (dans The Empty House, où le voile sur sa disparition est levé), l'apparition de Moriarty, de la rendre moins soudaine, de nous dire que l'homme a déjà frappé, et bien frappé, et qu'il n'est pas étonnant qu'il ait alors une telle réputation auprès de Sherlock Holmes? Vous avez dit Bancale ? D'autant plus que dans The Final Problem, Watson évoque le frère de Moriarty, qui se nommerait James, et que plus tard, dans The Empty House, Holmes fait référence à son ennemi disparu sous le nom de Profeseur James Moriarty : une source d'amusement pour les lecteurs qui se demande si toute la fraterie Moriarty répond au nom de James! Le Napoléon du crime, disparu aussi vite qu'il est apparu ne sera plus que vaguement mentionné par la suite, pour ses tentatives de mettre fin aux jours de Holmes.


Pourtant, cette figure diabolique, qui n'occupe pas les affaires les plus intéressantes qu'ait résolu Sherlock Holmes, est devenu un incontournable de la mythologie holmesienne, une pièce centrale et une source d'inspiration pour nombre d'auteurs et de réalisateurs, admirateurs de l'oeuvre de Conan Doyle. Si la source d'inspiration pour le personnage demeure incertaine (le criminel Adam Worth semble l'hypothèse la plus plausible au regard du visage que paget prète au personnage, mais on évoque aussi Simon Newcomb, astronome et mathématicien de génie qui aurait acquis une réputation de véritable requin, n'hésitant pas à réduire à néant la carière et la réputation de ses rivaux), les suppositions sur son origine diégétique vont bon train! J'accorde pour ma part un certain crédit à celle de Nicholas Meyer, freudienne et cruellement ironique dans The Seven-per-cent Solution.


Moriarty bénéficie aussi d'interprètes de choix au cinéma comme à la télévision : Laurence Olivier, tout droit sorti de la gravure de Paget, mais aussi d'un esprit embrumé par la cocaïne dans l'adaptation de The Sevent Per Cent Solution (1976), Anthony Higgins, mentor d'une élégance et d'une beauté surnaturelle dans Le secret de la Pyramide (1985), mais aussi Eric Porter (disciple de Freud dans Hands of the Ripper) face à Jeremy Brett dans la série TV produite par Granada (1984-1994). On évitera de s'attarder sur l'interprétation d'Anthony Andrews dans le très moyen La Main de l'Assassin, qui s'avère être des moins inspirées et fait penser à l'alter ego cartoonesque de Moriarty dans la série crée par Miyazaki (1984-86), dans laquelle il est inévitablement derrière chaque crime.



Le professeur Moriarty, Napoléon du Crime, ennemi juré de Sherlock Holmes, issu probablement du désire de Conan Doyle de mettre un terme, provisoire, aux aventures du grand détective, recèle de riche potentialité qui n'ont pas finies d'être explorées, en espérant que Guy Ritchie, avec A Game of Shadows, propose au moins une vision acceptable, et pourquoi pas inventive du personnage qui sera cette fois interprété par Jared Harris (le décevant Dr Ashford de Resident Evil Apocalypse, et plus récemment, Lane Pryce dans la série Mad Men).

18 mai 2011

Affinity

Réalisé par Tim Fywell en 2008.
Avec Zoe Tapper, Anna Madeley, Amanda Plummer, Caroline Loncq, Anna Massey, Vincent Leclerc...

Scénario d'Andrew Davies d'après le roman de Sarah Waters.

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Margaret, une jeune femme de la haute société britanique décide après la mort de son père de devenir dame patronnesse au pénitencier de Millbank. Elle y fait la connaissance de Selina, une jeune médium enfermée pour escroquerie et agression. Entre les deux jeunes femmes se tisse un lien obscure entre désir et fascination.

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Adaptation fidèle du roman éponyme de Sarah Waters, Affinity décrit subtilement la quête d'idéale d'une jeune femme pour qui le mariage n'évoque rien d'attirant. Entre les murs d'une austère prison victorienne, nous assistons à la naissance d'une relation ambigüe, à la lutte contre la société et ses carcans étouffants.

Tim Fywell se montre beaucoup plus audacieux et inspiré que pour son Turn of the Screw, même si sa caméra est plutôt incertaine, il prouve qu'avec un budget restreint, on peut encore sortir du lot des productions britanniques à la sauce XIXème.


La grande qualité de ce film, outre sa photographie léchée et la beauté de son histoire c'est son interprétation, Anna Madeley en tête dans le rôle de Margaret, prisonnière de sa sphère familiale, de sa mère qui voudrait la voir épouser un crétin qu'elle déteste, de son frère qui lui a ravie sans le vouloir son amour de jeunesse pour en faire sa femme, mais aussi Zoe Tapper, la jeune médium Selina Dawes, fragile mais manipulatrice doublement prisonnière, de Millbank, comme des esprits qu'elle invoque et qu'elle ne contrôle pas si aisément.

Le film propose une belle reflexion sur la portée du spiritisme et sa signification à l'époque, ainsi qu'une belle reconstitution avant démystification d'une séance très impressionnante. Tourné comme un huis clos, l'intrigue voyage entre deux principaux lieux, la demeure de Margaret, et le pénitencier.

Millbank, est selon Sarah waters le lieu idéal pour une romance trouble aux accents gothiques, et il semble qu'elle ait raison, le lieu, à l'atmosphère suffocante a quelque chose d'ensorcelant, d'empoisonnant, qui colle parfaitement au jeu de confiance et de séduction auquel s'adonne les deux protagonistes.

Histoire d'amour et de manipulation, Affinity est un film trop méconnu, envoutant, troublant, à l'esthétique soignée. Comment ne pas s'attacher aux personnages, comment ne pas croire à ce lien si fort qui uni les deux femmes, et comment ne pas tomber des nu devant une conclusion aussi cruelle qu'inattendue?

17 mai 2011

Masque of the Red Death 1991


Réalisé par Alan Birkinshaw en 1991
Avec Herbert Lom, Michelle McBride, Brenda Vaccaro, Frank Stallone, Christine Lunde, Simon Poland...
D'après un sénario dans lequel on mensionne vaguement Poe.

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Rebecca, jeune journaliste débutant dans la presse à scandale, parvient à se fofiler dans une fête privée grace à une fausse invitation. Mal lui en a pris, un tueur fou masqué de rouge a décidé de s'en prendre aux convives, prisonniers du château à leur insu.

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Il ne s'agit en aucun cas ici du sublime Masque de la mort Rouge réalisé par Roger Corman en 1964, ni même du remake produit par le même Corman en 1989, mais d'un film, produit par Harry Allan Towers (aucun mal à ça), réalisé par Alan Birkinshaw (The House of Usher 1988) et qui n'entretient que très peu de rapports avec Edgar Allan Poe et la nouvelle originale.

Birkinshaw est déjà l'auteur d'une adaptation de Poe pour le compte de Harry Alan Towers - homme qu'on ne présente plus et dont la qualité des productions est assez alléatoire (mais qui ira dénigrer l'Appel de la Forêt avec Charlton Heston?) - lorsqu'il réalise ce Masque of the Red Death. Autant House of Usher était un film déroutant mais pas détestable, un peu fourre tout, autant dire louf-dingue, autant celui ci est poussif, prévisible, et s'il est amusant, ce n'est qu'involontaire.


Monstrueusement kitsh, le film commence avec une introduction vaguement inspirée du coeur révélateur, avant de partir en quenouille dans une salle de bal surchargée ou toute une faune se trémousse sur une soupe rock'n'troll dans des costumes aux couleurs nauséeuse : le bon goût n'est pas dans les parages.

Il ne serait pas vraiment utile de présenter les personnages, mais on peut néanmoins remarquer que Herbert Lom semble bien fatigué dans le rôle de Ludwig (l'hôte de tout ce petit monde), un milliardaire qui pour tromper l'ennuie s'est dégotté une très jeune actrice répondant au nom de Colette (Christine Lunde dans un numéro hilarant de cabotinage dans un français approximatif, rien que pour elle le film vaut le détour!). Le reste du casting hormis Michelle McBride (Rebecca) n'est là que pour étoffer le body count à venir.

Mais même le massacre n'éveille pas l'intérêt, au fil de la nuit, un à un, les invités se font assassiner selon des techniques qui évoquent parfois Poe, parfois non (une décapitation au pendule, ça compte ?), le tout est amené sans suspens, le spectateur a le choix entre le rire et le baillement, Poe ne cesse de se retourner de tous les côtés, quant à savoir qui est le meurtrier, les soupçons se portent immanquablement sur le ridicule, mais il parait qu'il ne tue pas.