16 oct. 2012

House of the Long Shadows




Réalisé par Pete Walker en 1983.
Avec Peter Cushing, Vincent Price, Christopher Lee, John Carradine, Desi Arnaz Jr, Sheila Keith, Julie Peasgood, Richard Todd...
D'après le roman Seven Keys to Baldpate par Earl Derr Biggers.
Musique composée par Richard Harvey.

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Kenneth Magee, jeune écrivain, pari avec son éditeur qu'il pourra, dans le cadre approprié, écrire un roman du calibre des Hauts de Hurlevent en 24 heures. Quel meilleur cadre qu'un manoir inhabité au milieu de la lande déserte du pays de Galles... Inhabité ? Vraiment ? Qu'en est-il alors de ces gens qui se présentent comme les gardiens ? De ce voyageur mystérieux qui s'est trouvé en panne non loin ? De cet homme qui pousse la porte en clamant être chez lui ? Trouver les réponses à ces questions laissera bien peu de temps à Kenneth pour écrire son roman, mais lui fournira à coup sûr matière à une intrigue des plus sombres.

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En 1982, Menahem Golan et Yoram Globus proposent au réalisateur Pete Walker et à son scénariste Michael Armstrong un projet qui, selon eux, pourrait bien faire date dans l'histoire du cinéma d'épouvante. On connait en effet l'appétit des deux dirigeants de la Cannon pour les castings prestigieux, et le projet en question est celui d'adapter le roman d'Earl D. Biggers, Seven Keys to Baldpate, qui a déjà fait l'objet d'adaptations théâtrales et cinématographiques (la dernière en 1947, avant celle qui nous intéresse), et de réunir pour l'occasion quatre grands noms de l'épouvante : Vincent Price, Peter Cushing, Christopher Lee, et le doyen David Carradine. A ce titre House of the Long Shadows fait bien date dans l'histoire du cinéma, car il est l'unique film qui met en scène les quatre acteurs en même temps.

Armstrong a fait un beau travail d'écriture en enrichissant les rôles de ses têtes d'affiche en fonction de leur passif cinématographiques : plus qu'une adaptation d'un classique du crime & mystery à la "The Cat and the Canary", c'est un hommage appuyé qu'il rend aux acteurs qui sont réunis. Quoi de plus délicieux de les voir chacun cabotiner dans leur registre respectif, et intéragir via des dialogues d'une ironie jubilatoire. Car Lee, Cushing et Price, et bien sûr, mais dans une moindre mesure, Carradine, sont bien l'argument majeur de cette "farce", tant on à l'impression que l'intrigue n'est que prétexte à leurs retrouvailles. Les trois plus jeunes (Lee étant le benjamin des grands noms du film) affichent une complicité qui traverse l'écran et participe grandement au plaisir que l'on éprouve à la vision du film.



Sans cracher sur le reste du métrage, il faut avouer que Desi Arnaz Jr (Kenneth Magee) et Julie Peasgood (l'élément féminin "frais") manquent cruellement de charisme et qu'on aurait aimé voir l'enquête menée par des noms plus prometteurs (rétrospectivement, la carrière de l'un comme de l'autre n'a rien de vraiment excitant). On notera que Sheila Keith, actrice plus ou moins fétiche de Pete Walker, qui n'a pas eu la carrière de ses trois illustres confrères, tient un rôle qui semblait au départ destiné à Elsa Lanchester (La Fiancée de Frankenstein), et s'en sort remarquablement, même s'il n'est pas aisé de se tenir dans le même plan que les monstres qui l'entourent.

Il est difficile de déterminer la moyenne d'âge du casting de House of the Long Shadows, mais ce sont bien les aînés qui sont les mieux servis. A s'attarder autant sur le casting on en oublierai presque l'intrigue, qui même si elle tire un peu trop sur la corde au fur et à mesure des révélations, ne laisse aucunement le spectateur sur sa faim. Loin s'en faut, si l'on s'attend à être diverti, le film s'en chargera, et on ne rechignera pas à retrouver, dans un film des années 80, une atmosphère un peu poussiéreuse, un peu dépassée, un peu... gothique ? Oui, l'air du temps ne s'y prête plus et pourtant, on ose encore en 83 poser un manoir comme décor et accompagner une intrigue joyeusement vieillotte d'une musique un brin pompeuse (le score de Richard Harvey est une petite merveille, à la fois de maniérisme, et de second degré, dans ses envolées symphoniques grandiloquentes), et pour tout dire, ça marche !

Je ne dévoilerai pas les rebondissements de cette petite perle d'humour noir, et je n'oserai assombrir cet éloge des nombreux bémols que je pourrais exprimer, car je considère que nous sommes bien là en face d'un petit trésor dont la rareté ne fait que le rendre plus attirant. Il s'agit qui plus est du dernier film dans lequel Christopher Lee et Peter Cushing se donnent la réplique, et cela en rend la vision d'autant plus nostalgique qu'il marque véritablement la fin d'une époque.