26 août 2011

Le Cauchemar de Dracula


Réalisé par Terence Fisher en 1958.
Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Michael Gough, Melissa Stribling...
Scénario de Jimmy Sangster d'après le roman de Bram Stoker. Musique écrite et dirigée par James Bernard.


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Jonathan Harker se rend au château de Dracula pour s'occuper de l'imposante bibliothèque du Comte. ce n'est bien sûr qu'une couverture, disciple de Van Helsing, le jeune homme entend bien mettre fin au règne de terreur du vampire. Mais son plan ne se déroule aps comme prévu, distrait par une séduisante succube, il laisse s'enfuir le comte qui se lance à la poursuite de sa fiancée Lucy.



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Pas moins de 3 films inspirés ou adaptés du Dracula de Bram Stoker sortent sur les écrans en 1958. Le premier est le dernier sursaut de la production américaine dans le genre avant une vingtaine d’années ; Le Retour de Dracula de Paul Landres, film en noir et blanc, peu inspiré mais qui acquerra un petit statut culte en raison d’une scène qui montre une giclée de sang rouge, contrastant avec le noir et blanc du film. Le second est un film mexicain, assez peu connu chez nous et pourtant excellent : Les proies du Vampire de Fernando Mendez, dont Dracula est absent mais qui reste fortement marqué par l’influence du roman de Stoker. La véritable réhabilitation de Dracula à l’écran se fera à la fin de l’année 1958 avec une production estampillée Hammer Films et signée Terrence Fisher : Le Cauchemar de Dracula, mettant en scène Christopher Lee dans le rôle du comte Dracula, Peter Cushing dans le rôle du professeur Van Helsing et Michael Gough (futur Alfred dans les Batman de Tim Burton) dans le rôle d’Arthur Holmwood.


Le film ne recevra malheureusement pas un accueil chaleureux dans nos contrées ou il sera descendu par la critique, en effet Gilbert Salachas, qualifiera l’exploitation de ce film dit « De terreur » de « proprement scandaleuse » et ajoutera « le cinéma est un art noble, et aussi hélas, une école de perversion : un moyen d’expression privilégié pour entretenir ou même créer une génération de détraqués et d’obsédés !». les Cahiers du cinéma eux se contenterons de 2 lignes anonymes et de totale mauvaise foi : « Si la comédie anglaise ne fait plus rire personne, on ne saurait en dire autant de ce film, techniquement peu abouti de surcroit". Il est vrai que la France est à l’époque quelque peu en retard sur le plan cinématographie et surtout fantastique, Jean Cocteau et Jacques Tourneur occupent vaguement le terrain et le public a en quelque sorte oublié le personnage de Dracula venu d’outre atlantique sous les traits de Bela Lugosi, il est vrai qu’entre temps il y a eu la guerre. Mais il ne faut pas longtemps pour que le film gagne autant d’admirateurs que de détracteurs. Parmi eux le regretté Jean Boullet, ami de Cocteau, de Juliette Greco ou encore de Sacha Guitry. Boullet ne tarit pas d’éloge quant au cinéma de Fisher et il le justifie pleinement par des commentaires hautement plus constructifs que ceux de mauvais alois des Cahiers du Cinéma. Un allié français de choix donc pour l’exploitation du film gothique britannique qui deviendra le fleuron d’une jeune génération, partisane d’un autre cinéma et peu concernée par la portée aux nues des cinéastes de la nouvelle vague ; un nouveau genre de cinéphile est né et Dracula se paye une résurrection en grande pompe et ce presque une fois par an sous la caméra des réalisateurs de la Hammer.


Fisher a déjà offert deux films autour du mythe de Frankenstein (respectivement en 57 et 58) quand il s’attaque à celui de Dracula. Le Cauchemar de Dracula revisite avec brio l’œuvre de Bram Stoker, les personnages évoluent dans un univers victorien de toute beauté, la qualité esthétique du métrage n’est aujourd’hui plus contestable, et la psychologie des protagoniste se dessine clairement sous la caméra de Fisher qui joue avec leur émotions d’une manière à la fois inquiétante et jubilatoire ; il est clair que ce monsieur a un talent de conteur indéniable et les libertés qu’il prend avec le matériau d’origine passent très bien. Parmi les amateurs de genre de l’époque, beaucoup ont considéré ce film comme une vulgaire resucée du film de 1931, lui prétextant un caractère racoleur assurant au film un succès auprès d’un large public, notamment auprès des adolescents. Le fait est que le parti pris de Fisher est d’érotiser le vampire, le magnétique Christopher Lee n’a ici rien à voir avec le statique Bela Lugosi, et campe le vampire avec autant de classe, mais avec beaucoup plus de mesmérisme. Si Le Cauchemar de Dracula survit à l’assassinat critique, ce n’est pas à cause de son immortel personnage, mais grâce à son succès populaire, le public désirant (honteusement parfois) en voir bien plus que ce qui était montré à l’époque (l’érotisme sous-jacent et désuet de La Féline de Jacques Tourneur avec Simone Simon ne suffit plus). En bref, si pour Dracula, le sang est la vie, l’amour aussi. L’affiche originale du film évoque très bien la proximité entre l’amour et la mort, la dualité entre la violence, l’horreur de l’acte vampirique et l’abandon total de la victime (consentante) à ce Dom Juan ténébreux.


Une réussite flamboyante à voir et à revoir !

24 août 2011

Those who Hunt the Night

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Roman de Barbara Hambly

Publié en 1988.

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Les vampires de Londres sont les victimes d'un chasseur implacable, qui durant le jour vient ouvrir leur cercueil pour les exposer aux raysons du soleil et les réduire en cendres. Aucun vampire ne peut supporter la clarté du jour, aucun d'entre eux ne peut se lancer à la poursuite du "meurtrier", il leur faut donc l'aide d'un mortel... Le mortel en question sera le professeur Asher qui aura la désagréable surprise de trouver un soir chez lui Don Simon Ysidro, l'un des plus vieux vampires de Londres, venu lui demander son aide. Asher est contraint d'accepter, car le vampire malgré son extrème courtoisie sait se montrer persuasif, et c'est sous la menace de voir sa fiancée enlevée que le professeur commence son enquête...


L'intrigue se situe dans le Londres post-victorien, aux alentours de 1908, une période charnière qui voit de grands changements dans la capitale, et qui, pour les vampires, conservateurs de natures aurait été assez pénible. Barbara Hambly, dilétante en à peu près tout est une grande passionnée d'histoire (principalement médiéval, mais visiblement pas que) et dépeint merveilleusement l'ambiance de l'époque. Son approche des vampires n'est pas sans évoquer Anne Rice (certains cherchent le pouvoir, d'autres atteignent un haut niveau de sagesse), mais le cadre et le caractère presque policier de l'intrigue renvoie à tout un pan de la litterature néo-gothique et fantastique de la fin du XIXème siècle, le vampire Ysidro d'ailleurs se permet à plusieurs reprises de citer Bram Stoker, non sans une certaine ironie.


A une intrigue ingénieuse, complexe et qui retombe adroitement sur ses pattes, Hambly ajoute des personnages principaux très attachants, James Asher, philologue et linguiste, qui s'attache tout au long du roman à comprendre la façon dont vivent et pensent les vampires, à percer ce que cache les yeux couleur champagne, sans expression de Don Simon, Lydia, la fiancée de James, diplomée de médecine, qui voit dans le vampirisme une altération du sang, une mutation biologique plutôt qu'autre chose, et bien sûr Don Simon Ysidro, vampire serrein, agaçant parfois par son absence d'expression, décrit comme le portrait délavé d'un noble espagnol auquel le temps aurait retiré les couleurs : cheuveux blanx, yeux ivoires, teint d'albatre. Asher se heurte souvent au ton monocorde du vampire lors de leurs conversations avant d'apprendre à dicerner ça et là des nuances qui lui révèlent peu à peu l'homme qu'Ysidro a été. Les seconds rôles bénéficient eux aussi d'un traitement appréciable, de nombreuses description viendront étoffer cette galerie de personnages que l'on aimera ou que l'on détestera.


Par ailleurs, le style de Barbara Hambly est remarquable. Ceux qui comme moi ont essuyé la deception causée par ces deux tentatives manquées au sein de la série de roman Star Wars (Les Enfants du jedi et La Planète du Crepuscule) ne doivent surtout pas s'arrêter là dessus, car ce serait manquer le talent d'une fine plume.


Difficile de lacher Those who Hunt the Night une fois le nez dedans ! Splendide hommage à la littérature gothique, enquête passionnante au sein d'un univers riche et remarquablement décrit, il se pose comme l'un des meilleurs roman sur les vampires, du moins le meilleur qu'il m'ait été donné de lire depuis un bon moment ! C'est donc avec un enthousiasme certain que je conseille cette lecture, et que je vais très vite retrouver James, Lydia et Simon dans le second tome ; Traveling with the dead !

22 août 2011

Demons of the Mind



Réalisé par Peter Sykes en 1972.
Avec Robert Hardy, Shane Briant, Gillian Hills, Yvonne Mitchell, Patrick Magee, Kenneth J. Warren...

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Bavière, début du XIXème siècle, le comte Zorn, veuf et depressif enferme son fils et sa fille dans leurs appartement respectifs, les empêchants de se voir, pensant que leur attraction mutuelle les conduirait à l'impensable.


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Voila un bien étrange film venant d'une Hammer en quête de renouveau ! Réalisé par Peter Sykes (To the Devil a Daughter, 1976, avec Christopher Lee et Nastassja Kinski), Demons of the Mind se présente comme une énième variation sur le thème de la demeure maudite, de la lignée gangrénée par la folie. La thématique n'a presque jamais été explorée par le studio avant cela, et ne le sera pas d'avantage par la suite, et il faut reconnaitre à cette unique tentative une certaine fraicheur.





Alors que la longue et désormais ennuyeuse saga Dracula s'éteint le moins paisiblement du monde (en 73 le comte vampire versera même dans l'espionnage à la James Bond), la Hammer offre certaines de ses plus belles réussites (citons en vrac Hands of the Ripper, Twins of Evil, Dr Jekyll and Sister Hyde, The Vampire Lovers, Frankenstein and the Monster from Hell...) et soyons clair, Demons of the Mind n'a jamais été considéré comme en faisant partie. Pourtant, j'oserai affirmer qu'au niveau purement technique, il se situe quelques échelons au dessus de la plupart des productions du genre de l'époque (le soporifique Black Torment, le grand-guignolesque And Now the Screaming Starts...). Mais l'intérêt de Demons of the Mind ne réside pas uniquement dans ce fait. Outre un décors principal magnifique (l'habituel Manoir gothique qui prend ici des allures de petit château), le film propose un clash intéressant entre la conception ésotérique et la conception scientifique de l'alienation mentale. Comme dans And Now the Screaming Starts, c'est par l'intermédiaire d'un pionnier de la psychiatrie (ici Patrick Magee, que l'on retrouve, mais dans un autre rôle dans le film de Roy Ward Baker) que cet aspect nous est montré.



Le film de Peter Sykes développe aussi l'idée d'une suggestivité accrue suite à un traumatisme. Les deux enfants (l'ambigu Shane Briant et la plus fade Gillian Hills) souffrent d'une mélancolie extrème et éprouvent une attirance irresistible l'un pour l'autre depuis le suicide de leur mère. Le père persuadé qu'il est la cause du malheur, que son sang est vicié, les confortent finalement dans leur névrose, en les enfermant, en pensant les protéger d'un pécher terrible, alors qu'ils ont simplement besoin l'un de l'autre pour pallier l'absence d'une mère. L'explication demeure simpliste, le film, trop court développe trop confusément ce qui pourtant fait tout son intérêt ce qui nuit grandement à la clarté de l'ensemble, ne laissant au spectateur que l'aspect esthétique et l'interprétation sans faille des acteurs sur lesquels se reposer.



Mais comme toujours, s'agissant d'un Hammer Film, on ne peut nier que c'est là de la belle ouvrage. Ne faisant pas intervenir une once de fantastique, ce conte proprement gothique a de quoi séduire et pour peu que la thématique vous intéresse, il fera j'en suis sûr une belle découverte.

16 août 2011

Paganini


Réalisé par Klaus Kinski en 1989.
Avec Klaus Kinski, Nisolai Kinski, Debora Caprioglio, Dalila Di Lazzaro, Eva Grimaldi, Bernard Blier, Marcel Marceau...

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Ce film est une évocation très libre de la vie de Niccolo Paganini.

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Klaus Kinski est une personnalité insondable, tout au long d'une carrière plétorique, il a enchainé les tournages en fonction presque uniquement du rapport durée/salaire, choisissant de préférence les plus courts et les mieux payés sans distinction qualitative, se retrouvant à l'affiche de toute sorte de productions qui par sa seule présence acquièrent un petit statut culte. Pour que l'homme s'attèle à l'écriture et passe derrière la caméra en plus de se réserver le rôle titre, c'est bien que le projet lui tenait véritablement à coeur.

"Paganini" est en effet un projet que Kinski chéri depuis un bon moment, alors que sa carrière et sa santé battent de l'aile à la fin des années 80. C'est après le refus de Herzog de prendre les rênes, que Kinski se met en tête de réaliser lui-même le film, il est à ce moment là sur le tournage de Nosferatu à Venise, Augusto Caminito, le producteur promet à l'acteur de produire son film, à condition qu'il termine Nosferatu à Venise. Cette fausse suite du Nosferatu d'Herzog restera tristement célèbre pour avoir été totalement et consciencieusement bousillée par Kinski qui en décourageant trois réalisateur à la suite ruine quasiment Caminito, qui par dépit laisse la caméra à l'acteur fou.



Le budget de Paganini ne semble pas monumental, mais malgré tout, le film semble parfaitement répondre aux ambitions et à la folie de Kinski. Dès la première séquence, dans laquelle le jeu de Paganini déclenche un orgasme collectif dans la salle de concert, on sent que l'on se trouve devant une oeuvre bien singulière, pour ne pas dire un film de malade !

L'écriture cinématographique de Kinski est minimaliste, laissant très souvent le biopic virer à l'expérimental. Le casting finalement n'occupe qu'une place infime au sein de cette fresque bizarroïde, de laquelle n'émerge vraiment que la figure de Kinski/Paganini et dans une moindre mesure celle de son fils Nicolai/Achille. On croisera pourtant la jolie Dalila Di Lazzaro, Bernard Blier, et même le mime Mime Marceau.

Kinski ne joue pas Paganini, il EST Paganini, et parvient à nous éblouir de sa rage créatrice, à nous entrainer dans sa spirale baroque, avec cette oeuvre frénétique, sans temps morts, dans laquelle la cohérrence trouve difficilement sa place, alors que ça et là, Kinski insère quelques passages narratifs, quelques dialogues éparses, dont la simplicité renforce l'idée que son but était plutôt l'émotion pure, un but atteint lors de la dernière, majestueuse, séquence.

Paganini fut le premier film que réalisa Kinski, et il fut aussi le dernier qu'il interpréta avant son décès en 1991. Très mal reçu à la fois par le public et la critique en 1989, Kinski Paganini apparait aujourd'hui comme une curiosité, une expérience cinématographique à la fois étrange et passionnante, dans laquelle on reconnait certainement bien plus Klaus Kinski que Niccolo Paganini.