28 sept. 2008

La Chambre des tortures (1961)

Réalisé par Roger Corman.

Scenario de Richard Matheson

Avec : Vincent Price, Barbara Steele...

Musique de Les Baxter

D'après la nouvelle Le Puits et le Pendule d'Edgar Allan Poe.

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Espagne, XVIe siècle. Afin d'éclaircir les mystères qui entourent la mort de sa sœur Elizabeth, Francis Barnard se rend au château où elle vivait en compagnie de son mari Nicholas. Nicholas Bernard, neveu d'un redoutable inquisiteur espagnol, sombre lentement dans la folie, persuadé d'avoir enterré sa femme vivante...

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1960, le cinéma d'épouvante gothique est en plein essor : la Hammer revisite les grands mythes de la littérature gothique (Dracula, frankenstein, Holmes, Jekyll and Hyde, le fantôme de l'opéra...) avec brio et Mario Bava offre quelques uns de ses chef-d'oeuvres comme Le Masque du Démon ou Opération Peur, Même l'Allemagne parvient à tirer son épingle du jeu avec Le Vampire et le sang des Vierges et son titre assez délirant. Il fallait donc s'attendre à une réponse des Etats Unis, et c'est Roger Corman qui demande un budget plus conséquent qu'à l'ordinaire pour s'atteler à une série d'adapations de Poe. La première à voir le jour sera La Chûte de la Maison Usher, dans lequel l'immense acteur Vincent Price interprète le dernier d'une longue lignée maudite...composée en majeur partie de personnes mentalement instables. Le succès est au rendez-vous, et Corman obtient le feu vert pour continuer ce qui restera comme un série de sommets du cinéma gothique.

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Le second film du cycle Poe est celui qui nous inéteresse ici : The Pit and The Pendulum adapté de la nouvelle éponyme de Poe, confronte deux monstres du cinéma d'épouvante de l'époque, à savoir Vincent Price (Dragonwick, la chûte de la maison Usher, la nuit de tous les mystères...) et Barbara Steele (Le Masque du Démon, Danse Macabre, Dark Shadows revival...) dans un scénario torturé et machiavélique qui aura vite fait de mettre mal à l'aise le spectateur. Corman maîtrise pleinement son sujet et donne vie au scénario que Richard Matheson (grand auteur dans le domaine du fantastique) a tiré de l'oeuvre de Poe, dans des décors gothique époustouflants : Un immense château surplombant la mer, un orgue trônant dans une chapelle baroque, des souterrains labyrinthiques peuplés d'instruments de tortures fort peu engageants...


Price interprète à merveille un homme désespéré, sans cesse au bord de la folie, persuadé d'avoir fait enterrer vivante sa femme, ce personnage pathétique attire très vite la sympathique du spectateur, qui n'a qu'une envie pour le pauvre homme, que l'enquête s'arrête et qu'on le laisse en paix.
Barbara Steele quant à elle s'illustre avec talent dans le rôle trouble de la (spoiler!) supposée défunte femme de Nicholas Bernard.

Le thème principal de La Chambre des Tortures n'a donc rien d'hilarant et est traité d'une manière tout à fait sérieuse, ce qui n'empêche pas Matheson et Corman de faire preuve d'une ironie macabre lors du final, et on ne peut s'empêcher de penser "Bien fait !" au dépend de la pauvre Barbara Steele.
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Difficile donc de ne pas crier au chef-d'oeuvre devant ce film qui dépasse allègrement La Chûte de la Maison Usher en matière de qualité et qui donne véritablement envie de continuer le cycle Poe de Corman (même si on se passera aisément de L'enterré vivant ou du Corbeau...) qui comporte encore d'autres chefs d'oeuvres comme La Tombe de Ligeia ou Le Masque de la Mort Rouge.

21 sept. 2008

Les Nuits de Dracula (1970)

Réalisé par Jess Franco
Avec : Christopher Lee, Klaus Kinski, Soledad Miranda, Herbert Lom, Maria Rohm...
Musique de Bruno Nicolaï
D'après le roman de Bram Stoker

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Jonathan Harker, jeune clerc de notaire britanique se rend en Transylvanie pour rencontrer le comte Dracula à qui il doit vendre une propriété à Budapest. très vite il se rend compte que son hôte le retient prisonnier et projette même de l'offrir à ses trois femmes vampires. Jonathan, sacrément perturbé parvient à s'échapper et se retrouve qques jours plus tard à l'asile des Dr Van Helsing et Seward, qui héberge déjà un cas similaire, Renfield.

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En 1970, La Hammer entamait une période déclin, et Christopher Lee endossait plus que jamais la cape du vampire pour le compte de la firme। L'acteur rechignait à reprendre le rôle pour la Hammer, trouvant qu'il était à chaque fois un peu plus ridicule, et ayant fait part à Franco de son désir de jouer dans une nouvelle adaptation fidèle du roman de Stoker, il accepta de bon gré le rôle que lui offrit Jess Franco, dans ce qui devait être l'adaptation la plus fidèle jamais réalisée alors. Sous ce couvert de fidélité maximum, Franco s'entoure d'un casting international, nous retrouvons bien sûr Christopher Lee (qui fait ça aussi un peu pour faire plaisir) et Klaus Kinski (habitué des films de Franco, comme "Les infortunes de la vertu" d'après Sade ou la très bonne version Franco de "jack l'éventreur"), la jeune et belle Soledad Miranda, muse et égérie du réalisateur, Maria Rohm (quand on a pas pu avoir Claudia Cardinale...oui je sais c'est mesquin ce que je dis là), et cerise sur le gâteau, le grand acteur Britanique Herbert Lom dans le rôle de Van Helsing. C'est le talentueux Bruno Nicolaï qui se charge de la musique du film, gage de qualité de cette dernière. Jusque là tout semble parfait, mais réaliser en 70, une adaptation aussi fidèle que possible du (génial) pavé de Stoker, avec un budget minimaliste et sur une durée totale d'environ une heure et demi n'est pas chose aisée...loin de là !
Dès le début du film, on peut voir que Franco a mis les petits plats dans les grands, les décors brumeux, l'atmosphère mélancolique, et la valse macabre de Bruno Nicolaï on de quoi séduire. Bien sûr, nous sommes loin du charme gothique des productions Hammer de la décénie précédente, le tournage en décors naturels ne permet pas tant de liberté que le couteux aménagement d'un studio, mais qu'à celà ne tienne, Franco, amoureux du cinéma veut y croire ! L'équipe technique effectue donc un travail remarquable sur le château de Dracula et sur les plans en extérieur (cf la superbe scène ou une carriole traverse une cour intérieur pavée sous une pluie battante, ou encore l'immense salle à manger du château avec ses murs de pierre, et pourquoi pas l'arrivée de Jonathan Harker dans une brume épaise qui enveloppe une meute de loups). Christopher Lee un peu fatigué du rôle qu'il vient de jouer 2 fois de suite dans les très gothique et ironiques "Une messe pour Dracula" de Peter Sasdy et "Les cicatrices de Dracula" de Roy Ward Baker, respectivement 1969 et 1970 réendosse la cape avec un air abattu, qu'il abandonne très vite, grand acteur qu'il est, trop content de voir qu'enfin Dracula bénéficie de répliques qui lui font honneur : la scène ou Dracula raconte l'histoire de ses ancêtres à Harker, devant la cheminée de la salle à manger et probablement la meilleure qui ait été tournée dans toute l'histoire des adaptations de Dracula.


Herbert Lom campe un Van helsing déterminé, et on attend avec impatience la confrontation entre le vampire et sa némésis. Soledad Miranda, fragile Lucy Westerna, devient la parfaite victime du vampire et la scène ou elle quitte sa chambre pour retrouver Dracula dans le parc, avec sa longue robe de chambre flottant dans la brise atteint presque le niveau des mêmes scènes dans les films de Terence Fisher ou de Peter Sasdy. Klaus Kinski, lui nous offre une composition de fonctionnaire syndiqué, son Renfield est totalement muet, le malade mental se contente de tapisser sa chambre capitonnée de nourriture, de manger des mouches et finit par mourir sans véritable explication, pas convaincu le Kinski, et donc, peu convaincant (sa prestation néanmoins passe auprès de certains pour du pur génie...allez savoir pourquoi). Maria Rohm incarne une Mina belle et décidée, qui aurait pu selon moi s'offrir un rôle un peu plus développé...mais rappelons nous ; 1H38 oblige.


Jusque ici, rien ne s'annonce vraiment mal, Franco nous a gratifié d'une belle entrée en matière, maitrisée et on sent une réelle volonté de bien faire, ainsi qu'un certain dédain pour l'académisme. Pourtant, la seconde partie est bien moins convaincante. En effet, pour éviter d'avoir à gérer les déplacements sur mer de ses personnages, Franco a choisi de situer l'action non plus à Londres, mais à Budapest, et de réduire le cadre à l'asile et à la demeurre de Dracula, ce qui a pour effet de décrédibiliser la raison pour laquelle Harker vient d'Angleterre et de faire cohabiter ensemble dans l'asile tous les personnages de l'intrigue excepté Dracula...

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Donc tout n'est pas rose, Franco a eu beau faire un effort non négligeable pour réaliser ce qui reste dans sa filmographie une excellente surprise, l'interprétation des acteurs a beau être correcte, le travail esthétique a beau se sentir, son Dracula n'est pas la perle noire gothique attendue, il ne peut même plus se targuer de fidélité tant les racourcis pris vis à vis de l'intrigue sont abracadabrants. Et en grattant un peu on pourra dire que ses loups ne sont que des bergers allemands, que ses araignées sont en plastique, et que Christopher Lee porte une moustache...lentement, sur la valse macabre de Bruno Nicolaï, les lumières se rallument...mais qu'on se rassure, pour Dracula comme pour Franco, c'est loin d'être la dernière séance !

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20 sept. 2008

Murder by Decree (1979)

Réalisé par Bob Clark.

Avec : Christopher Plummer, James Mason, Susan Clark, Frank Finley, Donald Sutherland.

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1888.Terrorisés, les habitants de Withechapel font appel à Sherlock Holmes pour résoudre l'énigme des meurtres de prostituées qui ensanglantent ce quartier de Londres et qui sont signés "Jack the Ripper". Le fin limier découvre bientôt le fin mot de l'affaire qui implique le Duc de Clarence (! la suite dévoile une part importante de l'intrigue !). Celui-ci s'est amouraché d'Annie Crook, une femme de chambre, dont il a eu un enfant. Témoins gênants de cette liaison, les prostituées ont été assassinées pour que le scandale ne s'ébruite pas.

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L'idée de confronter le grand détective imaginé par Sir Arthur Conan Doyle à Jack l'éventreur ne date pas d'hier, et en 1979, on connait déjà un bon exemple de cet affrontement mythique avec "A study in terror" de James Hill réalisé en 1966. Il est inutile je pense de présenter ces deux monstres sacrés, qui au cour du XXème siècle se sont imposés dans la littérature et au cinéma comme des références en matière de suspens. L'exercice peut donc sembler facile, le plus grand détective sur la piste du plus grand criminel...le fait est que si Holmes est un pur personnage de fiction, les crimes de notre cher jack sont bel et bien réels. Il ne s'agit pas de présenter à Holmes une galerie de personnages parmi lesquels se trouvent bien sûr le coupable, mais de composer avec l'attitude probable qu'ont eu les différents notables à l'époque. Le scénario de Murder By Decree est donc basé sur l'hypothèse bien connue du complot, qu'on retrouvera plus tard dans le très beau "From Hell" avec Johnny Depp.



Bob Clark s'entoure donc d'un casting de choix pour donner vie à un scenario palpitant et non dénué d'un certain humour (noir ?), dont James Mason qui campe un Watson délicieusement ironique et très attachant. Le choix de Christopher Plummer est assez surprenant pour le rôle de Sherlock Holmes, pourtant force est d'admettre que l'acteur parvient à s'emparer du personnage et à rendre, selon moi, la meilleure interprétation du célèbre détective. Le duo Mason/Plummer fonctionne à merveille et certaines scènes de conversation entre les deux hommes frôlent le génie, tant on croirait qu'il s'agit des personnages même de Conan Doyle sortit des pages pour prendre vie devant nos yeux !

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Les seconds rôles ne sont pas en reste puisqu'on retrouve entre autre ce cher Lestrade (souvent tourné en dérision par Holmes et Watson, notament lors d'une scène à l'opéra) interprété par un Frank Finley qui semble beaucoup s'amuser, et Donald Sutherland qui interprète un médium à la santée fragile.



Un soin tout particulier a été apporté à l'atmosphère ; tout au long du film on sent planer une menace sur Holmes et Watson qui semblent de plus en plus proches de la vérité, et on ne pourra que saluer l'équipe technique pour les décors et la photographie. Les rues de Londres sont noyées dans un fog du plus bel effet et les intérieurs lambrisés nous plongent dans l'Angleterre victorienne qui, dans les romans de Doyle est le Fief de Sherlock Holmes, et qui, en 1888 fut le théâtre des crimes affreux imputés au mystérieux Jack l'Eventreur.


Cette version semble nous dire que Sherlock Holmes, loin d'être un héros, comme dans beaucoup de films ou il triomphe facilement, n'est qu'un homme après tout, ainsi, comme le véritable Holmes, Plummer s'emporte, sa détermination peut parfois être affectée...Le Holmes profondément humain ne peut pas toujours vaincre comme il le faudrait. Si on peut ne pas noter l'évolution du personnage tout au long des deux heures de film, il est manifeste qu'à la fin, Christopher Plummer interprète un Holmes quelque peu désenchanté ; l'enquête qu'il a menée l'a poussé à s'opposer au forces qui régissent la société, à affronter la franc maçonnerie qui pourrait le briser pour le réduire au silence, personne ne sera finalement puni.


Ce film s'est imposé pour moi dès sa vision comme le meilleur mettant en scène le célèbre détective, et ce sur tous les plans. Bien sûr jamais je ne considèrerai comme mauvais d'autres films comme "Le chien des Baskerville" avec Peter Cushing à côté de celui là, puisque la plupart des Sherlock Holmes, qu'ils soient adaptés ou non des écrits de Conan Doyle sont souvent d'une grande qualité, mais nous n'avons que trop rarement l'occasion de voir un Sherlock Holmes aussi proche du personnage de son auteur et on pourra sourire du fait que cela arrive dans un film qui n'est justement pas adapté des aventures de Sherlock Holmes.


14 sept. 2008

GOTHIC (1986)

Réalisé par Ken Russel.



Avec Gabriel Byrne, Julian Sands, Natasha Richardson, Timothy Spall...
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Le 16 Juin 1816, en Suisse, Percy et Mary Shelley accompagnés de Claire Clairmont s'apprêtent à passer la nuit à la somptueuse villa Deodati où vit Lord Byron, contraint à l'exile à cause de ses moeurs débridées. Ils feront la connaissance de son biographe et médecin, John William Polidori et vivront une nuit mémorable, au cour de laquelle les vapeurs d'opium donneront la vie à leurs peurs les plus intimes.



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Ken Russel est une figure atypique dans le paysage cinématographique de la fin du XXème siècle, réalisteur entre autre des films-biographies de grands compositeurs classiques comme Elgar, Debussy, Prokofiev, Mahler, ou de joyaux baroques comme Dante's inferno, Les Diables, Salome's last Dance ou encore ce Gothic qui nous intéresse ici, Russel est connu pour sa fascination de l'homosexualité, du sulfureux, du malsain, et pour sa mise en image très personnelle des figures de l'inconscient. Il n'est donc pas étonnant de le voir aux commandes de cette ambitieuse entreprise qu'était le récit des évenements qui ont conduit Polidori à écrire Le Vampyre (oeuvre fondatrice du genre ayant inspiré des chef-d'oeuvres comme Carmilla ou Dracula) et bien sûr Mary Shelley à créer son Prométhée moderne, FRANKENSTEIN.
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Le générique de Gothic annonce la couleur, le film est placé sous le signe de la mort et de la peur, les noms apparaissant et disparaissant devant un crane aux orbites vides sur fond noir. Puis vient l'introduction ; une foule de gens, fanatiques ou curieux se pressent sur les rives du lac Leman pour observer à la longue vue les hautes fenêtres de la villa Deodati ou vit le poête diabolique, tandis qu'un guide leur expose les "crimes infâmes" du personnage. Russel met clairement en avant le côté voyeur de l'entreprise, la place de ces curieux, c'est aussi la nôtre, le spectateur est un voyeur, et il sera le témoin privilégié des excès des protagonistes.



L'arrivée des Shelley et de Claire à Deodati donne lieu à une espèce de course-poursuite entre Percy et deux jeunes femmes qui selon Mary les suivaient depuis Genève. Le poête Percy est donc perçu comme une star, l'attitude des deux filles ressemble à celle de groupies lors d'un concert de rock. Suite à cette entrée en matière un peu déroutante, on découvre la villa Deodati dans toute sa splendeur, véritable manoir gothique entouré de saules démesurés au milieu d'un parc peuplé de paons et de fontaines représentant des figures fantasmagoriques. Le décor intérieur de la villa est aussi baroque que l'extérieur, immenses escaliers de marbre cottoyent draperies rouges et vanités sinistres, de hautes fenêtres à croisillons illuminent des salons pourvus de tapis persans et de chandeliers démesurés...bref un cadre idéal aux "ébats" de nos personnalités littéraires. Du côté justement des personnages, on pourra reprocher à Russel et à son équipe un rendu outrancier de personnages comme Shelley ou Polidori ; L'acteur Julian Sand (Shelley) caricature le personnage à l'excès (comme il le fera 12 ans plus avec le fantôme de l'opéra de Dario Argento), et on déplorera peut-être un jeu sans nuance, tout en mimique et en grimace de la part de Timothy Spall, qui en Polidori anxieux et coupable de ses désirs se tord les doigts à tout bout de champ en arborant un air constipé qui le rend difficilement sympathique. Il en va de même pour Claire Clairmont dont les yeux hallucinés finissent par lasser.




Mary Shelley est interprétée avec conviction par la très jolie Natasha Richardson ; Mary est finalement le personnage le plus affecté par le petit jeu de Lord Byron, au cour de cette nuit, elle fera à la fois face à ses peurs profondes mais aussi à celle de Claire, de Percy, et même de Byron. Cette avalanche de crainte et de haine fera naître en elle l'ébauche de son Frankenstein, né de sa volonté de réssuciter son enfant mort né, et de sa haine envers ce jeu maléfique qui a enjendré le délire de cette nuit. Byron quant à lui est bel et bien le personnage le plus convaincant du film, Gabriel Byrne campe un maître de cérémonie froid et manipulateur, son rôle est pour beaucoup dans le fait que GOTHIC est une expérience unique.


L'élément fantastique est aussi présent ; on ne saura jamais si la créature née cette nuit là est réelle ou si elle est le fruit d'une hallucination collective. Telle la créature de Frankenstein revient tourmenter son créateur, le fruit de leur délire revient les hanter sous une forme à chaque fois différente, une silhouette d'enfant mort pour Mary, ou un arbre enflamé par la foudre, un vampire pour Polidori, une tombe pour un Percy qui est bel et bien vivant, et un véritable filet de sangsues pour Byron.


Le film fourmille de figures fantasmagoriques et de symboles freudiens plus ou moins flagrants, on appréciera le clin d'oeil au tableau 'The Nightmare', ou la scène pathétique et dérangeante ou Byron fait l'amour à une servante portant un masque représentant le visage de sa soeur Augusta, ainsi que les seins affublés d'yeux de Clair dans un délire de Percy. Les effets sonores participent aussi à l'ambiance malsaine, comme cet entêtant battement d'aile d'un oiseau prisonnier dans le grenier, les cris de Clair ou le bruit du vent dans les couloirs aux fenêtres ouvertes. On ne peut que saluer l'esthétisme pointilleux de Russel, en particulier lors du bouquet final, la fuite de Mary à travers le labyrinthe qu'est devenu Deodati, au cour duquel elle est témoin de toutes les peurs profondes des autres protagonistes, Byron recouvert de sangsues, Percy enterré vivant, ainsi que de ses propres peurs, des visions de foetus décomposés, d'enfants l'appelant à l'aide. On peut déceler de la part du réalisteur un certain décalage, comme lorsque au cours de son délire Mary prend le temps de recouvrir Byron de sa cape sans se poser de question.

Le final surprenant voit tout ce petit monde reprendre au matin une attitude normale, personne ne semble vraiment s'inquiéter des évènements de la nuit, sauf Mary, qui devra les exorciser en couchant sur le papier son Frankenstein, l'histoire d'une création, d'une créature né de la folie d'un homme, qui faute d'inspirer l'amour inspirera la peur et viendra hanter son créateur jusqu'à sa mort...L'épiloque témoigne encore du décalage voulu par Russel : de nos jours, dans la cour de Deodati, une foule de touristes visite ce qui a été le lieu d'exil et de vie du poète Byron, et le théâtre de cette nuit délirante, tandis qu'une voix monocorde débite depuis un haut parleur un compte rendu probable des évènements de la nuit du 16 juin 1816.

Le plan final aurait pu nous être épargné, mais il clôt adroitement le film, en nous montrant dans une fontaine du parc le foetus déformé et effrayant de la créature née cette nuit là, qui est venu jusqu'à nous sous l'apparence du Prométhée moderne, la véritable créature de son auteur.